SANS GRAVITÉ

liviasansleo

Épisode 1/6


"Un double express, s'il vous plaît ! "

New York, mai 2050, je prend quelques minutes pour m'arrêter à un stand et acheter mon breuvage du matin avant de filer au travail.

Comme tous les jours, je suis légèrement en retard. Pas assez pour me faire virer mais trop pour ne pas courir jusqu'au bureau. Je joues avec le temps, partout et tout le temps.

Je suis fatigué, j'ai encore mal dormi. J'ai passé du temps sur ma nouvelle console hier soir. J'ai légèrement mal au crâne aussi sûrement dû au casque de réalité virtuelle.

Je bois rapidement mon café et je me brûle la langue.
Décidément, ce n'est pas mon jour. Je dois accélérer, dans quelques heures, il y a la réunion hebdomadaire.

Je marche vite. J'arrive devant l'immeuble situé sur Madison avenue.
Je sors mon badge et sourit à l'hôtesse d'accueil. Je rentre dans le hall, prend l'ascenseur et file rapidement à mon siège. J'allume l'unité centrale, son ventilateur fait beaucoup de bruit. Je pense qu'il serait temps de changer notre matériels. Je salue mon collègue situé face à moi. Je le vois à peine, une plaque de pexiglasse nous sépare. Il est de bonne humeur, plaisante avec moi. Je rigole, mais, à vrai dire, avec le bruit de mon u.c, je n'ai pas entendu ce qu'il m'a dit.

Je regarde d'abord les dossiers que je n'ai pas pu finir la veille. J'ai quelques appels à passer, la réunion va commencer.
Je consulte l'agenda et regarde toutes mes annotations pour la journée. J'ai du boulot, beaucoup de boulot. Ma migraine commence à s'amplifier. Je prend ma tablette et je descent au cinquième. Je croise deux de mes chefs et me fais discret en les voyant.

Tout le monde s'installe dans un brouhaha absolu. Je n'ai même pas de quoi calmer mes maux de tête. Je vois Emily au loin, peut-être qu'elle aura de quoi soulager ma douleur.

Pour le moment, notre boss prend la parole. On nous parle de statistiques, de baisse de production, de l'importance de finir nos dossiers au plus vite et de budget en baisse. Bref, comme toutes les semaines on nous fait comprendre que nous travaillons mal et que le monde des finances est en crise. Rien de nouveau, juste de quoi nous miner le moral pour commencer la semaine.

La réunion s'éternise pour rien. Je fais mine de regarder le rétroprojecteur, je vois flou. Je pense que je suis vraiment trop fatigué et que je devrais songer à me coucher tôt.

Le mot de la fin est donné.
Tout le monde se lève, c'est la cohue et tout le monde râle au sujet de ce qui a été dit.
Toujours la même rengaine.
Moi, je m'en fiche.
Je me ferai entendre le jour où nos supérieurs nous féliciteront, et là, j'exprimerai ma surprise. Pour le moment, il n'y a rien à ajouter.

Je préfère chercher Emily du regard. Elle est déjà partie. Je pars la retrouver à son office.
Emily est toujours très speed, c'est une vraie bosseuse.

Je la connais depuis trois ans maintenant. C'est elle qui m'a formé lors de mon entrée dans l'entreprise. Je crois que c'est la personne que je préfère parmis tous mes collègues : toujours enthousiaste, efficasse mais surtout très franche. Des qualités qui semblent manquer à pas mal de gens ici.

Je me tiens devant elle.
Elle est au téléphone, je vais attendre. Elle raccroche :

- "Bonjour Emily.

- Bonjour Aaron.

- Alors tu as couru ton sprint ce matin ?

- Même pas et j'ai eu le temps de prendre ma dose de caféine !

- Tu as un problème, tu veux un coup de main ?

- Non, c'est gentil. Je viens pour te demander un ibuprofene.

- Dis donc, tu n'aurais pas fais la fiesta hier soir ?

- Non, j'ai seulement geeké.

- Arrêtes ! Ça se lit sur toi.

- Non, je te le promet. Rien de spécial.

- Pourtant tu as le visage gonflé un peu... Allez tiens, prend un cachet. Promis, je ne dirai rien..."

Et bien, je n'ai plus qu'à consulter un médecin : migraine, mine bouffi... Puis maintenant nausée.
Soit je suis malade, soit je suis enceinte mais cette deuxième possibilité me semble moins probable.

Je la remercie et me dirige vers la fontaine à eau. Comme d'habitude il n'y a plus de gobelets. Je vais devoir faire un aller retour et chercher ma tasse. Je prend le cachet et enfin je peux m'atteler à mes tâches.

Je passe mes premiers coups de téléphone. Certains clients sont à cran. Mon boulot : c'est le stress, c'est la maîtrise de soi en permanence, les aléas au quotidien. Mon métier ?  Je suis employé en assurance et toujours sur le quivive.

Deux heures sont déjà passées et j'ai toujours les tempes qui cognent. Je sens mon sang passer dans ma boite crânienne. Le temps semblent long, les bruits plus intenses et mes hauts de coeur de plus en plus violents. J'hésite à prendre mon après-midi pour rentrer chez moi et me glisser sous ma couette, au chaud, dans le noir total.

Je n'arrive plus à me concentrer, je divague. Maintenant je regarde le stylet de ma tablette. Il semble, comment dire, flotter, là, dans les airs.

Je me frotte les yeux, il est de nouveau à sa place. Je suis exténué, je vais envoyer un mail à mon chef, je ne tiendrais pas aujourd'hui.

Je rédige les premières lignes du message mais quelques choses m'interpelle, mon stylet semble être de nouveau en lévitation... Je referme les paupières et les ouvre à nouveau mais cette fois l'objet est bel et bien dans les airs.

Je crois que je suis en train de devenir fou...

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