SANS GRAVITÉ

liviasansleo

Épisode 5/6

On commence à grimper les façades des immeubles pour atteindre les gouttières. Il y a des débris partout autour de nous. Le vent est plus violent là haut. Il va falloir être prudent.

Le bitume se détache de plus en plus, notre monde part en morceau.

Je suis sceptique sur l'avenir mais je garde l'instint de survit.

Je suis à New York, aujourd'hui, je me prend pour spiderman mais je n'affronte aucuns méchants... Seulement une force invisible et incompréhensible...

Heureusement certains immeubles ont des échelles. Nous avons déjà fait la moitié du chemin. Emily est épuisée.

Moi aussi, je me sens toujours aussi patraque mais je commence à m'habituer à l'apesenteur.

On doit redescendre, l'immeuble en face se trouve à plusieurs mètres, nous ne pouvons pas nous y rendre et lâcher prise.

Le plus dur commence, on doit traverser la rue mais nous ne trouvons pas de quoi nous aggriper. Il va falloir trouver une idée et vite.

Je décide de prendre mon élan contre le mur et de tenir Emily par son harnais ainsi je prend de la vitesse et l'emmene avec moi. Je cours dans les airs et plante ma pioche dans le mur en face. Emily me rejoint en quelques secondes.

Nous allons de nouveau remonter sur l'immeuble par l'échelle et longer les gouttières avec nos pioches et nos harnais. Les trois quarts du chemin sont fait.

Emily me propose de stopper mais je pense qu'il serait mieux de continuer encore.

Nous nous reposerons une fois chez moi, j'ai quelques bières dans mon frigo et une vieille tante dans mon box. On plantera les piquets à l'intérieur et essayerons de dormir un peu.

En attendant, je veux avancer. Un immeuble, deux immeubles. Mon appartement se trouve à deux rues de là.

Je sens la fin approcher et décide d'accélérer. Emily ne tient plus. Elle me dit qu'elle ne sent plus ses bras et qu'elle a toujours le vertige mais j'insiste...

Elle ne ment pas, ses bras sont engourdis. Elle a du mal à respirer et à me parler. Elle me supplie en chuchotant de s'arrêter là. Je ne l'entend pas.

Je continue d'avancer le long de la gouttière.

Elle oublie de planter son piquet. Je tourne alors ma tête vers elle et je la vois s'éloigner de moi.

En une fraction de seconde elle est emportée à toute vitesse vers l'atmosphère. Je n'ai même pas eu le temps de la retenir, je n'ai rien vu venir et je ne peux rien faire non plus...

Je suis tétanisé par cette vision et réalise que je viens de la perdre.

Cette fois, je craque et m'effondre en larmes. Je ne l'ai pas écouté, je n'ai pas su la protéger.

Je dois continuer l'aventure seul avec un mort sur la conscience.

Je perd espoir mais je me dis que je suis encore là et que je peux peut-être m'en sortir.

Je ne sais pas si tout cela sert à grand chose.

Je reprend du courage et je plante de nouveau mon piquet.

Je suis bientôt arrivé à destination mais je suis encore sous le choc.

Je pense à Emily et regarde vers le ciel. Je ne la vois pas. Cette fois je me fais une raison...

Il me reste une rue à traverser. Comme tout à l'heure je prend mon impulsion les pieds contre le mur, ma pioche droit devant.

Je suis à quelques mètres de mon entrée et je prie à voix basse en mémoire d'Emily.

Je vérifie la poche de mon pantalon, je sens mon trousseau de clefs. La victoire est proche mais elle a un goût amer de tristesse.

Je sors mon trousseau de clefs, je suis devant la porte. Je n'arrive pas à l'ouvrir. J'essaye tant bien que mal.

Je suis très faible et je ne sens plus mon corps. Je pense comprendre ce qu'a ressenti Emily.

Je force sur la serrure en vain.

Déjà quatre heures que je suis dehors, je n'en peux plus.

Je prie de nouveau mais cette fois pour moi.

J'essaye de garder le moral mais rien n'y fait, je ne tiens plus.

Il n'y a plus de gravité, je le ressent. Je suis attiré par le haut, de toute force et je n'arrive plus à tenir la poignée de ma porte. Je ne résiste plus et me laisse emporter.

Mon corps semble léger et flotter dans l'atmosphère.

Je ne vois plus rien. Je crois que mon âme vient de quitter mon enveloppe charnel. Enfin, je suppose.

Ma tête est lourde et ma nuque ne la tient plus. Elle bascule en arrière...

Signaler ce texte