SANS GRAVITÉ

liviasansleo

Épisode 6/6

Je sens ma tête cogner violemment quelque chose à l'arrière. Le choc n'est pas si dur. Mon crâne semble accueilli par quelque chose de moelleux.

J'ouvre les yeux, je vois tout en blanc.

Je me sens enveloppé dans un voile ou du coton.

Pourtant mon corps est tout engourdi. Je ne sens plus mes jambes. Elles sont enkylosées.

Mes bras aussi ont du mal à bouger. Je me sent endormi. Comme en semi sommeil.

Je le suis. Je ne sais plus où je suis.

Puis j'atteri...

J'étouffe un peu. Et j'ai toujours mal au crâne. Je sens mes pieds toucher le sol.

Je suis assis.

J'ouvre alors les yeux.

Je reconnaît l'endroit.

J'ai repris mes esprits et je sais enfin où je suis.

Je suis dans mon salon, au creu de mon canapé.

Ma télé est allumée. Ma nouvelle console tourne encore. Le casque virtuel est posé à côté de moi.

Je ne sais plus quel jour on est.
Je cherche mon portable sur la table basse.

Je tape mon code pin et je regarde l'heure sur l'écran. Il est minuit trente. Nous sommes un mardi d'un mois de mai.

Je n'ai pas fait une nuit complète, je suis extenué et j'ai encore l'impression d'être en apesenteur.

Ai-je rêvé ? Je ne comprend plus rien.

Je cherche dans ma mémoire mais je ne me souviens plus très bien de cet après-midi.

Déjà que je ne sais pas comment j'ai fait pour me retrouver dans mon canapé !

Je décide de me lever pour me rendre à la salle de bain. J'ai du mal à bouger mon corps. Je ne le sens plus.

La nuit passe et je reste bloqué dans mon canapé à essayer d'en sortir tant bien que mal.

J'arrive tout juste à attraper ma télécommande. Je zappe sur les canaux principaux et cherche une chaîne d'informations continues. Pas de flash spécial, rien de particulier...

Alors je résume : j'ai mal partout, je suis bloqué dans mon sofa, la console était allumé, il y a l'électricité, le monde tourne bien, nous sommes déjà mardi...

Ça signifie que je dois aller travailler !

Je met un bon quart d'heure à me lever et au crépuscule j'arrive enfin à me tenir droit comme un bipède.

J'ai des douleurs dans toutes les zones de mon corps.

J'ai comme l'impression d'avoir de l'arthrose dans les mains et les orteils.

Je suis pris par des vagues de chaleur qui me traversent de part en part.

La sensation est très étrange. C'est comme si je marchais pour la première fois.

Je redécouvre le plaisir de poser le pied à plat.

Je foule lentement la moquette pour m'avancer vers la salle de bain.

Je prends des affaires dans mon placard intégré et je pars me doucher au ralenti...

Je traîne sous l'eau chaude et finit de m'habiller. Je commence à être en retard. Je ne sais pas ce que je fais mais je dois le faire.

La volonté, ma qualité.

J'enfile ma veste, mes chaussures.
Je prend des pièces et un billet dans la soucoupe de l'entrée.

Je ferme derrière moi à double tour.
Je met mon trousseau dans ma poche et l'argent dans ma sacoche.

Dehors tout semble tranquille : quelques piétons, un embouteillage et l'odeur de pollution qui va avec.

Je suis bien à New York. Tout est o.k.

Je m'arrête à un stand pour me prendre un café. Je prend un double express. Je remercie le vendeur et commence à marcher à grand pas.

J'arrive au pied de l'entreprise. Je sors mon bagde et sourit aux hôtesses d'acceuil. Comme tous les jours, elles sont joviales et tout en beauté.

Après ce premier arrêt, je me dirige vers l'ascenseur, l'appel et monte dedans.

Je m'approche de mon bureau et salut mon collègue d'en face.

Il a l'air bien et n'a aucune blessure au front. Il me fait une blague que je n'entend pas encore une fois...

Christine vient tout juste d'arriver elle aussi.

Jackson rentre dans l'open space, pochette sous le bras.
Tout est parfait, il est conscient et bien devant moi.

Je suis encore perdu. J'ai toujours mal au crâne.

Je décide d'aller au bureau d'Emily.

Elle est au téléphone. J'attend.

Elle me demande si j'ai fait la fête hier soir et me dit que j'ai la mine bouffi.

Je lui demande un médicament.
Elle me le donne en riant.

J'ai cet étrange présentiment.
Comme un air de déjà vu.

Je vais me chercher de l'eau.
Il n'y a plus de gobelets...

Je désespère.

Je pars prendre ma tasse pour la remplir et avaler le cachet.

Je pars ensuite m'installer à mon bureau pour commencer à travailler.

Je passe quelques coups de fil.

Je tombe sur un dossier qui n'a pas été encore réglé et décide de le clôturer.

Je me sens mal, je crois que je vais demander mon après-midi mais je ne sais pas si j'ai assez de jours de congés pour pouvoir le poser.

Je ne me souviens vraiment plus de mon lundi et me demande ce que j'ai vraiment vécu.

Peut-être que j'étais déjà rentré chez moi et que je me suis endormi dans le canapé ?

Trêve de questions...
J'ai la nausée.

Mes narines me chatouillent.

Mes sens sont décuplés... Il y a comme une odeur de soufre...

Je cogite. Je connais le scénario...

Je me lève brusquement.
Je prend ma plus grosse voix et demande à tout le monde de se mettre accroupi sous son bureau.

Et, surtout, de ne pas en sortir...

Mes collègues me regardent stupéfaits.

Certains, au loin, ricanent.

Une énorme détonation retentie...

Premier tremblement...

Tout le personnel s'est enfin caché.

Christine a le réflexe d'appeller les urgences.

Le réseau est saturé mais pas coupé...

La suite ?

À vrai dire, je ne peux pas la raconter.

J'ai oublié tout ce qui a pu se passer.

J'ai perdu connaissance.

Je suis plongé dans le noir total.
Je ne sens plus mon corps.
Je ne réagit plus.
Je suffoque...

J'entend les voix autour de moi mais tout est flou. Tout semble brouillé.

Je  les reconnais mais je ne peux rien entendre distinctement...

J'ai très mal à la tête...

Mon crâne a du frapper la planche de mon bureau.

La sirène du bâtiment s'est déclenché.

Je perçois la deuxième détonation et les hurlements de mes collègues.

Mais c'est tout dont je me souviens.

Je crois que ma conscience vient de quitter mon esprit.

C'est le trou noir. 
Le néant.
Le vide total...

Pourtant, je me sens confortable.

À part ma tête qui me fait souffrir, je me sens cocooné.

Je n'ai plus du tout la sensation de mon enveloppe charnel.

Je suis tout en légèreté.

Je flotte.

C'est agréable.

Je me sens emporté. Vers le haut. Je me sens entouré d'une bulle mais je ne la vois pas.

Je ne sais pas si je suis dans un monde parallèle, si je viens de vivre ma seconde vie ou si je suis mort...

Je n'arrive pas à me détacher de cet état. Les secondes sont devenus des minutes. Le temps semble avoir ralenti.

J'ai un  air de musique dans la tête.

Je revois certains passages de ma vie tout en me laissant emporté. Je suis joyeux en revoyant ces images. C'est le passé qui semble présent...

Mon esprit semble être emmené vers le ciel...

Je suis heureux.

Cet fois j'ai perdu toute mon audition et je n'entend plus ce qui se passe autour de moi.

La sirène du bâtiment est devenue une mélodie dans ma tête et les voix de mes collègues font les choeurs...

Je ne contrôle plus mon esprit et je remonte inlassablement ma vie...

Je me revois petit à la maternelle, sur la plage en famille, les pieds dans l'eau à fouler le sable, sur la balançoire avec les cousins, dans la cuisine à finir le saladier rempli de chocolat, dans ma chambre à créer des parcours géants pour mes toupies, assis en classe à côté de mon tout premier amour, au club de foot avec mes potes, en soirée avec tout mon cercle d'amis, avec ma première petite amie, diplômé au lycée, auprès de mes parents...

Tous ces souvenirs défilent de plus en plus vite sous mes yeux...

Tout s'emballe et puis plus rien...

Nada, la fin...

La fin de mon aventure...

Enfin...


 

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