Sans les honneurs.

Christophe Hulé

Un cul de basse-fosse, un pestiféré qui, en plus, n'a pas pris sa douche, un résidu d'fausse couche, une raclure de bidet (bon, les deux derniers appartiennent à d'illustres inconnus, sans doute morts sans les honneurs depuis). 

Que toutes les saloperies, ici-bas ou d'outre tombe, ces damnés SDF, entre terre et ciel, ces accidentés de la mort, qu'on a pas voulu caser, ces éternels fantômes, ces ectoplasmes, ces suppôts du néant, ces trompe-la-mort, coincés entre deux mondes, ces succubes et incubes, qui n'ont de cesse que de retrouver la jouissance perdue, ces petites frappes qui pensaient acheter à prix d'or leur place au Paradis, avec de l'argent sale.

Comme les satellites, ils gravitent et se bousculent, c'est toujours l'heure de pointe, imaginer un embouteillage qui dure pour l'éternité.

Dieu ou Satan ne sont pas très doués pour le ménage, et, pour tout dire, s'en foutent un peu.


- Vous étiez quoi avant ?

- Ben, j'me souviens plus.


- Alors Ducon t'avances !

- Et l'abruti, tu peux me dire ce qui te presse ?


Dans le monde parallèle, on a créé des comités, encore à l'état d'ébauches, pour trouver des parkings. 


- On peut pas non plus laisser faire, toutes ces décharges sauvages pourraient nuire à l'image, enfin à la réputation, de Nous Autres.

- Alors passons au vote.

- Oui, mais reste à savoir ce qu'il nous faut voter.


Dieu s'est penché sur la question, après sa sieste séculaire, et un tirage au sort des affaires en attente.

Il a contacté son homologue, ces deux là ne rateraient pour rien au monde une occasion de faire la fête.


On a préféré les sorbets nuages au barbecue, c'est un peu la tradition, une fois chez l'un, une fois chez l'autre.


- Bon mon pote, il faut qu'on cause.

- J'm'en doutais un peu, tu m'as pas invité pour mes yeux de braise.

- Arrête de déconner, notre archange des transports a pas mal de soucis.

- Et qu'est-ce que j'y peux, c'est toi qui gères tes ministres.

- Bon, foin des querelles, tu as raison et tu as tort.

- Putain tu me connais, c'est quoi ce charabia ?

- On a un problème  avec les sans papiers.

- C'est pas nouveau !

- Oui mais là, c'est exponentiel.

- Je ne vois pas en quoi ça me concerne.

- Bordel, je vois que la balance penche plutôt pour toi, même si je m'en désole.

- OK, te fâches pas, et que puis-je faire ?

- Je propose qu'on organise des centres de tri, je suis prêt à fournir les trois quarts des effectifs.

- Allez, tope là ! Mais je dois absolument goûter à nouveau de ce nectar avant de partir.

- Ton vœu est exaucé, je dois dire que je m'attendais à pire.

- Entre collègues, on peut bien s'épauler.

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