Se concentrer
eaurelie
Salut toi.
Des années que je ne t'ai pas parcouru.
Je mens.
Je t'ai retrouvé il y a quelques semaines. J'ai reparcouru tout doucement tous les mots que je t'ai laissé ici. Une telle quantité de mots. De douleur. De douleurs. De douceur. Beaucoup de cris, de larmes et de morve.
Aujourd'hui, ma foi, cela ne sera pas plus gai. Je viens te voir pour me faire un mémo. Parce que j'ai eu 30 ans et depuis mon anniversaire, depuis... 9 mois, la prise de tête est constante. Incessante. Jamais une seconde de repos. Ma tête fond, mon coeur pulse bien trop fort, bien trop vite. Et ce cerveau.. Ce cerveau tourne en rond. Se cogne aux parois.
J'ai eu 30 ans. Je suis à ce foutu carrefour de la société. Bébé, mariage, maison. Chien et monospace sur le sommet de la pièce montée.
J'ai deux neveux. Par "alliance".
L'aîné est une vraie merveille. Vraiment. Cet enfant est une merveille. Beau comme pas possible et d'une vivacité à te faire pleurer.
Je pleure pas beaucoup. çà fait longtemps que je n'ai pas pleuré. Je suis rarement seule depuis quelques années donc forcément, çà me bloque. Ouais. Non, je ne vais pas effacer ou modifier la formulation. çà me bloque.
J'ai parfois envie de pleurer. J'ai eu pas mal de fois envie de pleurer en quelques années. Mais j'ai tenu. Pas le temps, pas de vraie raison. Arrête ton char, Aurélie.
Bref. Je reprends le boulot demain.
Ce boulot que je déteste. Que j'en suis venue à haïr.
Je suis réceptionniste.
En plus de gagner une misère malgré un putain de master 2 validé avec les honneurs, je me mange le pire de l'être humain. Mais çà, tous ceux travaillant au contact du public vous le diront. Je pensais échapper au pire. Et, en fait.. Non.
L'être humain est une merde.
On le savait. Maintenant, on le sait.
Et je ne veux pas y retourner.
Je vais y retourner parce que j'ai le loyer à payer, basiquement. Mais tu ne peux pas faire ce job pour l'alimentaire. çà fait trop mal. Beaucoup trop mal.
Diantre, j'ai perdu ma patte.
Je ne pleure plus et je n'écris plus non plus. L'envie est revenue très fort pendant le confinement. Mais compliqué car je dois remplir tout un lot de conditions et il manquait toujours une case à cocher.
C'est de l'écriture automatique. Je vais lâcher des années d'absence. Courage.
J'ai donc 30 ans. Bientôt 31 et ma vie ne me convient plus. Plus du tout. Mais plus du tout. Plus une seconde.
Attends. Ne généralise pas tout.
Ce qui ne va pas, c'est ton boulot, ma vieille.
Oui, pardon. Seul mon boulot est à changer. Mais je n'ai fait que çà. Alors.. je fais comment pour trouver autre chose ?
4 mois de confinement ne m'ont pas apporté de réponses. Ils m'ont apporté beaucoup de repos. Beaucoup de douceur. L'obligation d'être 24h sur 24 avec mon amoureux. Enfin. Ce putain de temps qu'on prend en douce, qu'on prévoit de traviole, en haut de la tour de kapla parce que ton emploi du temps est aussi changeant qu'un ensemble de mots tracés dans le sable à la lisière des vagues. La Vie nous a offert 3 mois pleins de nous. Plein d'amour, de vie, de douceur. De tout ce qui m'a fait l'aimer.
Je ne l'aime pas comme l'autre. C'est un autre amour. Un amour plus pur. Plus doux. Tellement plus sain. Tellement calme. La route 66. Qui s'étend à perte de vue.
Rien n'est jamais acquis. Certes. çà finira peut être par exploser.
Mais on a eu droit à 3 mois ensemble. Chaque minute. Alors, vous, les classiques, les Lundi-Vendredi / 9h-18h, vous avez une chance infinie. Celle de vous voir tous les soirs. De prévoir vos week-ends sans redouter une seule seconde qu'on vous appelle en catastrophe pour vous dire que vous travaillez ce week end parce que Machin pose un arrêt. Vous connaissez pas. Et je vous souhaite de ne pas connaitre.
Ces sacrifices, je ne suis plus capable de les assumer. C'est un déchirement. De ne rien pouvoir faire. Un week end par mois. Qu'on obtient à la dernière minute. Gerbance.
J'ai eu un rab inestimable. La Vie m'a encore donné la main quelques semaines de plus. Je reprends officiellement 2 mois après le déconfinement. 11 Juillet. Enfin. Non. Je reprends demain. Mais l'enfer véritable aura lieu le 11 Juillet. L'ouverture au public. Le retour du grand bain.
A la base, je venais ici pour mettre noir sur blanc mes bouées de sauvetage. Mes brassards. Ma bonbonne d'oxygène.
Je n'ai pas commencé le yoga ni la méditation. J'aurais pu faire tellement de choses.
Mais mon corps est tellement sec. Tellement usé. Je suis desséchée à l'intérieur. Surement en burn-out sous-jacent. J'arrive encore à me lever.
J'ai fait du coloriage. Commencé la peinture. Repris tout doucement la lecture. J'ai beaucoup rien fait. Vraiment beaucoup.
J'ai jardiné aussi. On a pas beaucoup de fleurs mais un nuancier de verts formidable. J'exagère. On a des fleurs. Et quelles fleurs !
Je me suis arrêtée. J'ai arrêté de courir plus vite que la musique à l'intérieur. J'ai repris plaisir à mon quotidien, sans avoir la tête à redouter le lendemain.
Je déteste mon job. Mais je ne fais rien pour en changer. C'est chiant, hein.
çà me donne la légitimité de me plaindre. Sinon, je n'ai rien à dire. Le bonheur, çà ne se raconte pas. Non.
Donc je me plains alors que toutes les cartes sont entre mes mains.
J'aime mon corps de métier. Je trouve çà tellement doux d'accueillir des gens chez soi. Mais pas cette hôtellerie. Pas ces gros porteurs. Pas cette clientèle. Je ne me reconnais plus. J'aimais tellement les gens avant. J'étais tellement amoureuse de la race humaine.
Je l'ai maintenant en horreur. Dès que je sors, tout n'est qu'agression, violence, destruction, méchanceté. A donner envie de mourir. Pour s'y soustraire.
Le chat me regarde dans les yeux. çà me met mal à l'aise. Résultat : je ris nerveusement.
Des fois, je me dis aussi que je pourrais décider de mourir. Ma présence sur terre n'est importante, finalement, que pour une poignée de personnes mais je n'apporte rien au monde. Ma vie n'a aucune utilité.
Je l'ai réalisé en jouant aux sims. On ne fait qu'ajouter des journées aux journées. Tout se répète, jour après jour. On court. On dort. On recourt. On redort.
C'est pas comme çà que je voyais ma vie. J'ai trop lu quand j'étais avant. J'ai trop lu. Ma tête est pleine de destins qui ne seront jamais les miens.
Je pense que j'ai besoin d'aide. Mais encore une fois, lol. Par où commencer. Et avec quel argent ? C'est le bordel en ce moment.
Je dois poser les choses. Y réfléchir. Mais j'ai mis tellement de temps la tête dans le sable. Je préfère souffrir. Après tout, dans la famille, on n'existe qu'en souffrant. Alors, je dois reproduire ce schéma.
J'ai la sensation d'avoir contaminé mon amoureux aussi. Il reste incroyable, hein. D'une humeur toujours égale, il me permet toujours de me recentrer.
Mais il est démuni face à mes angoisses. Prêt à m'aider, prêt à m'accompagner partout. Mais comme je ne sais pas donner l'impulsion.. Il fait du surplace. Avec moi.
Ah. Oui. Mes ancres.
J'ai tellement le ventre noué. Et je n'ai plus le temps de tournicoter. La vie n'attend pas. Surtout ceux qui se plaignent sans rien faire.
J'aimerais travailler avec les enfants. Les petits. Ceux dont on peut encore travailler la matière grise. Ceux qui sont purs finalement.
J'ai besoin de merveilles dans ma vie. Comme Paul. Des petits êtres qui poussent et évoluent à la vitesse de la lumière.
j'espère que la reprise ne s'est pas si mal passée...
· Il y a plus de 4 ans ·Sinon, cette écriture "coup de poing" est ...poignante !
chaleur
Waw, c'est un beau texte. Un jeté violent de mots et d'idées, ça m'a mit le frisson. Je ne sais pas s'il n'y a que le malheur que l'on peut écrire. En tout cas j'ai adoré tes mots.
· Il y a plus de 4 ans ·S'il te plaît, reprend un peu espoir en la race humaine. Pas trop, il ne faut pas que ce sois un espoir douloureux. Mais juste assez pour réussir à remarquer une gentillesse ou un élan de beauté lorsqu'il s'en produit un.
Bonne continuation, bon courage
aisling
Il y a plusieurs étapes dans une vie. 1 à 30 : on croit que les gens sont bons, 30 à 50 : non ! Ils sont pourris ! 50 au reste : on s’en fout ! :o))
· Il y a plus de 4 ans ·Hervé Lénervé