Séance d'aïkido

Holly Storm

  -Cesa ! clama Yamamoto senpaï.

  Chacun regagna la même extrémité du tatami, où nous nous assîmes à genoux, attendant avec impatience les directives de notre entraîneur.

  -Bien, reprit-il en s’asseyant dans la même position que nous, mais face à ses élèves, maintenant que nous sommes bien échauffés, nous allons commencer les combat !

  Cette déclaration fut suivie d’une vive clameur de la part de mes camarades. Ils ne changeaient vraiment pas.

  Yamamoto nous apprenait à faire des prises, évidemment, mais à la fin de chaque entraînement il nous mettait deux par deux, et nous demandait de nous battre jusqu’à ce que l’un mette l’autre à terre. J’y arrivais assez régulièrement. Il faut dire que j’étais toute menue, et que mes partenaires avait souvent plus de muscles dans les bras que de cervelle dans la tête. Cela m’arrangeait grandement. Déjà, parce qu’ainsi j’étais la plus vive à réagir et à faire des prises qui les envoyaient au sol. Ensuite, parce que le principe de l’aïkido est de retourner la force de son adversaire contre lui-même. Si, comme moi, on n’en a pas, il est difficile de la retourner contre nous.

  -Bien, aujourd’hui je vais faire les couples, reprit notre senpaï.

  Je me mordis la lèvre. Je savais déjà avec qui il allait me mettre.

  -Voyons… Leiko avec Keiji, Goro avec Yochi, Lan-Kim avec Chikayo, Tanak…

  Je cessais d’écouter à partir de ce moment là. Chikayo, j’en étais sûre. Une brute épaisse qui comptait plus sur ses poings que sur ses prises. Je le connaissais depuis l’enfance, mais je n’étais jamais parvenue à faire de lui un ami. Et pourtant, ce n’est pas faute d’avoir essayé ! Mais, quand on s’est pris deux, trois claques dans la figure, on abandonne vite l’idée et on va voir ailleurs. On ne peut décemment pas dire que j’avais de véritables amis, mais je faisais parti d’une bande. Ils toléraient ma présence à défaut de véritablement m’apprécier, et je ne les dérangeais pas.

  Quand Yamamoto eut fini de faire les couples, je me redressai sur mes jambes, et Chikayo en fit de même. Nous nous avançâmes vers un coin du tatami, et nous fixant durement. Honnêtement, j’espérais pouvoir l’envoyer non pas sur les tapis mais sur le bitume.

  -Saluez-vous ! tonna notre senpaï.

  Nos crânes faillirent se rentrer dedans lorsque nous nous inclinâmes.

  -En garde… Allez !

  Chikayo ouvrit immédiatement le bal en saisissant mon poignet. Il tenta de me tordre le bras. J’utilisai sa force pour tordre le sien, agrippai à mon tour son articulation et fis une pression sur son épaule. On n’y peut rien, c’est morphologique : dès qu’on triture un point précis en dessous du cou, cela déséquilibre l’adversaire qui tombe aussitôt au sol. C’est ce que fit Chikayo. Il fit une roulade arrière et se remit sur ses jambes.

  Nous nous saluâmes une nouvelle fois, et nous reprîmes le combat. Il feinta, me fit croire qu’il allait attaquer mes jambes, mais s’en prit plutôt une nouvelle fois à mon bras. Il faillit réussir son coup, cette fois-ci. Il était parvenu à me mettre en position de déséquilibre, mais il s’était avancé trop brusquement, et l’était donc également lui aussi. J’en profitai pour le mettre encore plus en mauvaise position, l’obligeai à s’accroupir à fis mine de le frapper dernière la nuque. Après quoi, je l’envoyais faire une roulade avant.

  J’exécutai ainsi quatre prises en tout, en comptant celles décrites plus haut, qui l’envoyèrent toutes rouler sur le tatami – et non pas sur le bitume, dommage. Cela mena Chikayo au paroxysme de l’énervement.

  Alors que je me risquais à une nouvelle prise, où je me tenais derrière lui, à essayer de l’envoyer encore une fois par terre, il fit volte-face et me donna un coup de coude sur le menton. Le choc fut si violent qu’il m’envoya au tapis. Je restais quelques secondes à terre, à moitié assommée. Chikayo se pencha vers moi :

  -Ben alors, t’arrives pas à te remettre debout ?

  Je lui aurais bien envoyé mon poing en pleine figure, mais ma tête tournait trop pour envoyer le moindre ordre à mon bras. Je parvins quand même, tant bien que mal, à me redresser sur mes coudes et à lui faire face.

  -T’aurais pu y aller moins fort ! On est à l’aïkido ici, pas à la boxe !

  -Et ? Si tu n’arrives pas à arrêter un coup comme celui-là, tu n’as rien à faire ici !

  Et toi, si tu n’arrives pas à envoyer ton adversaire au sol avec des techniques qu’on nous apprend, tu n’as pas grand-chose à faire ici non plus.

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