See you soon and good wind!

Sa vue baissait terriblement. Pour lire les étiquettes de ses vêtements, elle prenait une photo avec son portable et agrandissait péniblement l'image de ses vieux doigts.

Voix douce :

« Bon, voyons voir qu'est-ce qu'ils disent... Hand wash warm 40°... Do not beach... Warm iron... Do not dry clean... Do not tumble dry »

Voix embêtée :

« Bon, en Taïwanais ça doit sûrement vouloir dire de ne pas dépasser les 40 ° ! »

Ma grand-mère avait beaucoup voyagé assis et connu plein de continents à l'instinct. Même si dans sa bibliothèque elle empilait les textes de Raymond Oliver sur l'art et la magie de la cuisine comme autant les recettes des frères Weight Watchers pour se taper la lampe ou un cul parfait, elle n'avait pas moins de connaissances en marketing. Pour crâner sur une omelette à La Mère Poulard, elle se ventait de pouvoir enseigner la fabrication des crêpes à de jeunes poussins.

Je me souviens de ce jour où avec Mathieu l'on rentrait d'un match de poule. Elle avait préparé sur le formica de sa cuisine, tout un saladier de pâte arrangée où traînait encore par dessus une odeur de Grand Marnier de chez Prisunic. Dans un petit sourire assez narquois elle nous avait lancé :

« Alors ? Vous feriez quoi mes p'tits pioupiou avec ça ? »

« Des crêpes mémé ! »

« Des crêpes Suzette, bougres d'idiots ! »

Ma grand-mère était à cheval sur les appellations et cruciverbiste de surcroît. Avec son équipe « LES MOTS DITS » elle enchaînait concours et cagnottes en tout genre. Les lots allaient d'un abonnement annuel au Dauphiné Libéré à une boite de 24 véritables petits Calissons d'Aix. Quand c'était Paille D'Or à la framboise, c'était que son Robert d'époux avait merdé sur un 8 lettres.

De ma grand-mère et du reste de ma mémoire, c'est tout ce dont je me souviens. Elle est partie un samedi et ça j'en suis sûr, puisque finissait Thalassa et que Georges Pernoud venait de terminer par « A bientôt et bon vent ! »