sensibles

Lucie Labat

Donner de l'importance à un petit rien qui le mérite. Parce que c'est compliqué, parce que c'est lui, parce que c'est elle, parce que ce sont eux.

Pourquoi il répond pas ? Il va encore me sortir qu'il savait pas quoi dire, qu'il fait ça avec tout le monde, comme si ça changeait quoi que ce soit. Non mais ça te tuerait sérieux de prendre en considération ce que je te dis ? Alors c'est ça hein, t'engages la conversation et après tu te casses. Pourquoi je suis toujours plus intéressée que les autres…

 

C'est allé trop loin, j'avais pas l'intention qu'elle se confie autant… ça va beaucoup trop vite, en plus elle s'attache. Je suis pas comme toi, je peux pas te donner autant que ce que tu me donnes. Je veux pas. J'ai pas envie de te faire mal. Et puis t'es attachante quand même… tu fais peur. T'es une gamine à sauter sur l'occasion de me parler comme ça mais qu'est-ce que tu me trouves ? Si je te réponds pas c'est bien que j'ai rien à dire, tu vois bien. Arrête d'insister. Insiste pas putain…

 

J'arrive pas à arrêter de lui parler. J'ai l'impression qu'il a besoin de temps mais j'arrive je veux pas lui en donner. Et pourquoi il vient me parler aussi ? Il me dit que je dois pas hésiter à lui parler et il disparaît la seconde d'après. Il me saoule... Bon, je vais lui envoyer un message.

 

Ma réponse devrait suffire à la décourager.

 

« Pas maintenant » ??!! Non mais ça veut dire quoi ça « pas maintenant », dis le si je te saoule te prive pas !! Non mais quel *** !! T'es au courant que c'est difficile pour moi pourtant, tu SAIS que je flippe à l'idée de te déranger, que je sais pas me gérer ! Si tu penses une seule seconde que tu vas t'en tirer comme ça ! Tu rêves !

 

Bon… elle veut qu'on se voie. Apparemment ça lui a pas suffi… je dois y aller elle va pas bien je peux pas ne pas y aller.

 

Je vais enfin pouvoir lui dire ce que je pense non mais oh. Ça me fait peur mais je vais mettre les choses au clair.

 

J'arriverais jamais à la voir… J'ai pris du retard j'ai plus le temps de la voir. Ça va avoir l'air d'une excuse pourrie. C'en est une après tout. Je l'appelle et j'annule, au moins je ferai pas ça par message comme un sauvage. Je suis désolé.

 

Ils se regardent l'un l'autre… Elle veut parler. Pas juste discuter, non, parler. Comme on met les points sur les i, et qu'on découpe consciencieusement les limites à ne pas dépasser. Elle ne sait pas par où commencer. Il ne pensait pas que c'était si grave. Il faisait rien de mal, elle est la première à ne pas accepter son comportement, comme elle dit. Elle emploie des mots d'adulte. Elle essaie surtout de déterminer à quel point il est dangereux pour elle. Il ne se pense pas dangereux pourtant, il a du mal à comprendre. Est-ce qu'il le fait exprès ? Elle n'arrive pas à rationaliser son comportement, comme elle dit. Elle le scrute de l'autre côté de la table… se méfie. Ça fait combien de fois qu'il semble jouer avec elle ? Et pourtant ça ne colle pas du tout avec ce qu'elle sait de lui. Elle fait partie de ces personnes qui ont du mal à voir le mal chez les gens. Mais là c'est autre chose… un vrai connard a au moins la décence de se cacher.

 

« J'ai l'impression que tu as peur de l'attachement que je ressens et que tu pourrais ressentir. Cet attachement n'est pas proportionnel avec les informations que tu as sur moi. Je pourrais être une personne horrible, je pourrais te faire du mal. Tu n'es pas encore au courant que malgré ma gentillesse ce sont les personnes qu'on aime le plus qui nous font du mal. Et qu'il est donc inutile de combattre un attachement, de le retarder jusqu'à pouvoir le valider, et ne pas en prendre le risque. Le risque zéro n'existe pas. Et chacun fait de son mieux mais les dégâts collatéraux sont souvent inévitables. Je pourrais te dire que je ne te blesserai jamais, et je le penserais. Je ne voudrais jamais te faire de mal sciemment, et même s'il n'est pas rare de voir les gens se transformer en monstre, j'ose espérer que ce ne sera pas mon cas. Mais il est des décisions que l'on ne prend que pour soi, et auxquelles les autres n'ont pas part. Si j'étais amenée à prendre une décision comme celle-ci, et je souhaiterais arriver à me faire passer avant, malgré toi, je ne pourrais peut être pas éviter de te blesser. Mais c'est ce qui rend ta peur justifiée ; la conscience que je suis un être libre, et donc libre de te faire du mal. 
Il est donc inutile d'attendre d'avoir la confirmation que tu es en sécurité avec moi. Tu ne l es pas, et heureusement. Tu arrives en plus à un moment de ma vie où je commence à m'occuper de moi, ou du moins à en ressentir le besoin. Inutile donc de saboter la relation en instaurant une distance que les autres acceptent de ta part. Je n'ai pas la patience nécessaire pour attendre de connaître quelqu'un, pour attendre qu'il veuille bien m'inviter à entrer. Ou en tout cas pas autant de patience que les autres. Et je ne veux pas non plus d'une relation dans laquelle je me sens frustrée, frustrée de pas connaître la personne en face de moi, et de ne pas savoir qu'elle serait notre histoire si c'était le cas. Je ne veux pas me retenir de vivre quelque chose. Risquer de perdre mon temps quand, au moment où tu t'ouvriras, je me rendrai compte que c'était pas la peine d'attendre. Inutile d'enterrer une relation amicale qui n'a pas commencé. La liberté ça peut être aussi de se lier à quelqu'un. Si la peur est ce qui te pousse à être libre des autres, à ne pas avoir d'obligation envers eux, alors tu n'es pas libre. Tu es enfermé dans ta propre liberté, sans attaches. Et en effet tu ne risques rien. Essayer de me dégoûter de toi, de casser dans l'œuf déjà un fœtus de relation, tout en voulant conserver un semblant d'attaches, une discussion tous les 36 du mois, « et toi ça va les cours ? » , parce que je suis bien sympa quand même, et que c'est pas que tu me veux pas... moi ça me va pas. Ou peut-être que ça m'ira si on se rend compte qu'on a rien à se dire, finalement. Mais dans ce cas ça ne me sera pas imposé, et on pourra juste dire qu'on a cru qu'on s entendrait bien mais qu'en se découvrant on a compris que ça ne se ferait pas. Est-ce que tu as peur que l'on se rende compte de ça ? Ou que l'un des deux s'en rende compte et pas l'autre ? Dans le premier cas, le lien se défera de lui-même. On cessera juste de se parler, tranquillement. Dans le second cas ça m'étonnerait que ce soit moi qui te largue... et dans tous les cas, tu t'en remettras. Inutile donc, de vouloir me faire croire que t'es pas pour moi en me rejetant. Moi j'ai tendance à accélérer et toi à freiner… Et si on se laissait juste porter ? »

  • Je suis abasourdie par ton texte, il remet des mots sur ce que je ressens à cause de l'attitude mon meilleur ami. J'ai réussi à me retrouver dans ton texte et ça ça fait du bien

    · Il y a plus de 5 ans ·
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    M Minosa

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