Sentir, à l'aube d'un sentiment

Alice Neixen

Il y a des jours où je descends dans la rue et les gens m'écoeurent. Leurs odeurs m'assaillent et me soulèvent. Parfois, je déteste les lieux publics qui rendent mon coeur à mes lèvres. L'odeur des inconnus est souvent trop. Trop parfumée, trop rance, trop lourde, trop synthétique. Il n'y a pas de tolérance à l'odeur sans affinité préalable. On aime, ou on déteste. 
Je n'ai jamais croisé ton odeur ailleurs, même si je l'ai cherchée jusqu'à l'obsession, l'intimité crée sûrement des mélanges impossible à refaire. Un condensé de toi et moi. Une alchimie impossible à retrouver avec un autre. 
Quand tu n'étais pas là, je dormais dans tes vêtements. Je te les volais toujours, tu les cherchais partout, tu râlais aussi parfois, mais j'ai eu des nuits sans cauchemars avec tes pulls entre mes doigts. J'avais l'impression que tu serais toujours là. 
Quand tu es parti, je n'avais rien pour me raccrocher. Ni photos, ni jolis mots, ni vêtements que j'ai collectionné. Je crois même que tu m'as demandé de te ramener un pull ce jour-là. J'aurais dû me douter que quelque chose n'allait pas. Quand tu es parti, je n'avais plus rien. Même pas ton odeur quelque part dans ma vie. C'était comme si tu n'avais jamais existé. Comme si j'avais tout inventé. 
Avant et après toi, il y a eu des hommes dont je n'ai jamais aimé l'odeur, celle qu'ils laissaient partout, dans mes draps, dans mes serviettes, sur mes vêtements. J'ai essayé quand même, jusqu'à l'écoeurement, avant de déclarer forfait, et de tout laver, pour recommencer à respirer. J'ai perdu des mois comme ça, à avancer à l'envers de ton endroit, à refuser l'évidence. 
Depuis, j'ai perdu des yeux la mélodie de ton odeur, j'aimerai la retrouver ne serait-ce que pour l'entendre me dire qu'elle parle toujours à mon coeur.
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