Si c'était toi

Longtemps j'ai observé les passagers dans le métro, de la 14 Saint-Lazare à la 6 Corvisart ; longtemps dans l'espoir d'un regard connu, dans l'espoir d'un doux amour d'enfant qui me sourirait et d'un terrible amour fou qui me regarderait. Longtemps j'ai scruté les passants dans la rue, des reflets dorés du soleil qui brûle sur le Pont de l'Alma à la rose douceur d'un soir d'hiver dans la rue Monge ; longtemps dans l'espoir de croiser au naturel une silhouette d'actrice qui passe, dans l'espoir d'aborder une étoile qui brille et dont l'écran nous sépare de l'odeur de peau douce et de l'humidité des lèvres chaudes.

Adèle tu étais là hier au cœur de Paris paraît-il, était-ce toi que j'ai croisée ? Adèle était-ce toi que j'ai vue descendre dans les lumières de la ligne 1, même si une femme aussi lumineuse que toi ne descend pas dans les ombres du métro ? Adèle était-ce toi qu'assise j'ai regardée, depuis ton entrée avec mon regard et jusqu'à ton sortie sans mon regard ? Adèle était-ce toi qui es sortie avec cette bouche en coin et ce regard souriant ? Adèle était-ce toi dont ce regard-là disait sans les mots " Je sais que tu m'as vue mais ce n'est pas le moment de dire que c'est moi " ? Adèle était-ce toi qui a illuminé ma soirée de même qu'illuminent les étoiles les soirées de tous les gens, en laissant pour toujours flotter l'instant éphémère de ces regards, sous la terre des Champs-Élysées et du Grand Palais ? Adèle était-ce toi ou était-ce une femme qui te ressemblait de même qu'une sœur jumelle, et qui toute sa vie allait devoir vivre avec le portrait de toi gravé sur ses yeux longs, et ses cheveux châtains, et ses lèvres épaisses ? Adèle était-ce quoi qui est partie en laissant l'espoir de te revoir un jour, l'amour de t'espérer ? Adèle était-ce toi qui m'a offert l'unique question que je me poserai au long de ma vie, cette question adorable de ne jamais savoir ?

Si c'était toi Adèle, mon Dieu si c'était toi, si seulement c'était toi.