Si j'étais une étoile...

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Le ciel était sombre, d'un noir de jais, ne laissant apparaître aucune étoile sur sa surface lisse et lointaine, seule la lune éclairait le petit village qui bordait la mer. On entendait à peine celle-ci ce soir-là, car tous les habitants étaient rassemblés devant la maison la plus charmante du village et si la plupart restaient choqués et sans voix, d'autres parlaient vivement de ce qu'ils voyaient. Tous avaient le visage fixé sur ce qui témoignait de l'événement terrible qui s'était déroulé à peine quelques minutes plus tôt dans la rue étroite. Un corps. Étendu à terre, il attendait le verdict que l'on devinait largement négatif du médecin qui ne devait à présent plus tarder à arriver. Tout s'était passé très vite, trop vite. Il fallait revenir quelques jours en arrière pour comprendre ce qu’il s’était passé dans ce petit village sans histoire…


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« Papa ! Où est maman ? »


Pour la sixième fois de la journée, la petite fille prononçaient ces mots auxquels son père ne savait quoi répondre. Ce dernier soupira, lassé des réponses plus ridicules les unes que les autres qu'il lui avait donné jusqu'ici. La petite fille l'observait avec un regard suppliant, attendant une nouvelle réponse, et les larmes qui commençaient à se dessiner dans ses yeux obligèrent le père à se lancer.


« Ta mère est montée là-haut, lâcha enfin le trentenaire. »


Ces mots résonnaient dans son cerveau, provoquaient l'effet de mille couteaux qui s'entrechoquaient dans sa tête, tandis que son cœur, lui, semblait se contracter jusqu'à s'étouffer lui-même. Mais la petite fille, elle, ne semblait pas capter ce que signifiait ces mots, elle avait ses pupilles plantées dans celles de son père et voulait en savoir davantage. Sa petite voix cristalline questionna :


« Elle est allée discuter avec les étoiles ? Avant de partir elle a dit qu'elle m'en ramènerait une, une petite que je pourrais mettre au-dessus de mon lit et qui veillerait sur moi. Peut-être qu’elle est allée les voir et que la chef des étoiles ne veut plus la laisser partir... »


L'homme ne put s'empêcher d'esquisser un sourire. Un sourire attendri devant tant d’innocence, mais triste. Il ne pouvait pas se résoudre à faire le moindre mal à sa petite fille. Alors, il se contenta d'acquiescer d'un signe de la tête et d'ajouter que les étoiles ne lui feraient aucun mal, qu’elles étaient toutes très gentilles, surtout avec les mamans. La petite fille répondit par un sourire et ferma les yeux, prête à s'endormir maintenant qu'elle savait où était sa mère. Pendant qu’elle rêvait de sa mère qui s’était rendue chez les étoiles, son père ne parvenait pas à trouver son sommeil. Il songeait.


~ Flash-back ~


Une fois de plus, le téléphone vibrait dans la poche d’Annaelle. Elle décrocha, lassée des appels téléphoniques à propos de son travail, mais alors qu’elle prenait un ton fâché elle reconnut la voix de son mari.


« Oh mon chéri je suis navrée, je ne t’ai pas reconnu tout de suite ! Comment vas-tu ?, fit la voix féminine au bout du fil.

- Il me tarde que tu rentres.

- À ce propos…

- Oui ?

- J’ai une mauvaise nouvelle… Ils veulent que je reste encore. Jusqu’à la semaine prochaine.

- Tu n'as qu'à refuser. Tu y es déjà restée bien plus qu’ils ne te l’avaient demandé au départ !

- Kelian… Tu sais très bien que je ne peux pas me permettre de refuser…

- Rentre. S’il te plaît. Tu manques beaucoup à la petite… Elle a besoin de toi. Et à moi aussi, tu me manques. »


La jeune femme hésita, pendant quelques secondes qui parurent être une éternité pour Kelian. Puis, finalement, elle choisit de rentrer plus tôt, pour sa famille, et promit de prendre l’avion du retour dans l’après-midi, afin d’arriver le soir-même.


« Merci chérie. À ce soir, je t’aime.

- Je t’aime. »


L'entente entre eux n’était pas parfaite. À vrai dire, ils se disputaient même assez souvent à propos des absences d’Annaelle. Mais leur amour était fort et durait depuis déjà plusieurs années. Impatient de revoir sa chère et tendre, Kelian avait eu du mal à voir passer la journée et deux heures avant l’atterrissage de sa femme, il s’était installé devant la télé. Pile sur un flash-info. Un avion. Un crash. Une centaine de passager. Morts. Tous. Aucun rescapé. Il avait compris tout de suite, mais les larmes n’avaient pas coulé, sous l’effet du choc, la tristesse n’était pas encore présente. Seulement… La colère. Ou peut-être la culpabilité. Ou la haine. L’envie de rejeter la faute sur quelqu’un d’autre et de tabasser cette personne à mort.


~ Fin du flash-back ~


Au bout de seulement une heure d’un sommeil pourtant tranquille, la petite se réveilla. Elle avait laissé ses volets et sa fenêtre ouverts, si bien qu’elle voyait le ciel sombre et les étoiles qui l’éclairaient. Son père ne l’entendit pas se lever pour aller parler aux étoiles.


« Maman ? Tu m’entends ? »


La petite fille fit la moue, attendant un signe quelconque de sa mère et crut voir une étoile se mettre à briller davantage que les autres, juste devant elle. Alors, elle se mit debout sur le rebord de la fenêtre, quand son père entra.


« Qu’est-ce que tu fais là ? Descend ma chérie !

- Ne t’inquiète pas papa, je vais aller chercher maman, je reviendrai avec elle. »


Son jeune père fronça les sourcils, ne sachant comme interpréter cette phrase, puis son visage se durcit et il laissa échapper un cri lorsque la petite fille décida de sauter de la fenêtre, les bras tendus de chaque côté de son corps, comme si elle avait souhaité s’envoler vers les étoiles.

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