Si seulement
aile68
Si seulement j'avais continué à passer du temps au jardin avec mon père, aurais-je assuré la relève? J'aimais les fleurs et la façon dont mon père me parlait parfois de ses légumes, d'une manière ludique, je me prenais au jeu avec beaucoup de facilité, je croyais à ces paroles, ou bien je faisais semblant d'y croire, je ne sais plus, il y a tellement longtemps, quand on est petit, on croit volontiers aux histoires qu'on lit ou qu'on vous raconte.
Quand on m'a dit aujourd'hui que j'avais de la sensibilité dans le regard, je ne sais pas pourquoi, j'ai pensé à mon père, enfin si je sais... Il avait sa propre sensibilité lui aussi, mais comme le commun des mortels, non? C'était un vrai homme de la terre et du travail bien fait. Quelle fierté quand je passe devant les immeubles qu'il a construit avec ses collègues, il y a de cela si longtemps! Les années passent, des choses restent, mais rien ni personne n'est éternel, les souvenirs durent le temps qu'on est en vie, et après.
Si seulement j'avais pris la relève de mon père jardinier, ma mère aurait aujourd'hui un beau jardin et des légumes de là-bas, une île lointaine et pourtant si proche par sa cuisine et sa culture. Plus le temps passe, plus je me rapproche de sa langue, une langue que je parlais si bien quand j'étais petite et qui avec la rentrée en primaire a quasiment disparu de ma bouche mais pas de ma tête. Les gens se demandent comment font les enfants des étrangers à l'école, ils se noient ou bossent dur, les petits derniers souvent ont la chance d'être aidés par les plus grands.
Univers intérieur, univers extérieur, y a toujours un lien entre les deux, même si certains ou beaucoup cherchent à échapper à eux-mêmes, on revient toujours à soi. Prendre la relève ou non, j'ai toujours dans le coeur cet amour des jardins, grands ou petits, ornementaux ou non. Je vis pour l'amour de la nature, entre autres bien sûr, mais est-il besoin de le préciser? Les jours s'écoulent, le temps passe, se brise, se refait, sans nous ou avec nous, la relève s'est faite dans ce désir de nature et même s'il y a des arbres morts, c'est la vie qui se manifeste.
Je suis devenu jardinier après vingt ans de bureau d'études grâce à mon grand père qui me commentait quand j'étais tout gamin, les grimaces de ses pensées d'automne, semées en été. J'espère que la famille aura encore longtemps son rôle de transmission. Très joli texte, comme d'hab :o)
· Il y a environ 2 ans ·daniel-m