S'il n'y a pas de réponses, pourquoi y a-t-il des questions ?

chevalier-neon

Je ne sais plus si tu étais géant
ou si j’étais juste minuscule ;
je me sentais plongé dans le néant,
j’étais cette chose ridicule.
Entre tes mains j’étais objet
mais en dehors de toi je pouvais exister.
Et bien qu’humain tout le rejet
que tu m’infligeais m’empêchait de subsister.
Je ne sais plus si tu étais magnifique
ou si j’étais seulement trop laid ;
ébloui par ces promesses mirifiques,
ta sève m’était comme du lait.
Finalement je ne suis pas devenu adulte
comme tu avais pu me l’assurer ;
ce n’est qu’au nom de Dieu que je t’ai voué un culte
puisque tu me disais le figurer.
Je ne sais plus si tu étais un génie
ou si je n’étais rien qu’un incapable.
Tout ce qui fut moi sombra dans le déni ;
je n’avais de valeur que sur ta table.
J’espère que tu t’es vraiment régalé,
j’espère que ma chair fut au moins un festin.
Me permets-tu maintenant de détaler ?
Car je n’accepte plus aussi bien mon destin.
Je ne sais plus si tu étais un humain
et moi rien qu’une simple chose,
mais peut-être que tu étais inhumain
au-delà de ta jolie prose.
Je ne sais plus si tu étais une merveilleuse fête
et moi rien qu’un ennui profond ;
pourtant la seule fois où j’ai pu savourer ta défaite,
tu m’as semblé minable au fond.
Je ne sais plus si tu valais tout l’or du monde
ou si je ne valais qu’une bouchée ;
ce que je sais c’est que ma lune était bien ronde,
et n’importe où je pouvais me coucher.
Je ne renie pas que j’étais bien une proie,
mais alors c’est que toi tu étais un fauve.
Si l’homme a déclaré que le lion était roi,
c’est que c’est de lui qu’il faut que je me sauve.
Je ne sais plus si tu étais extralucide
ou si je m’évertuais à fermer les yeux ;
je ne me souviens que de l’envie de suicide
qui me prit quand j’appris que tu étais seul Dieu.
Je me suis senti en pleine déréliction,
comme si les portes du Paradis d’avance m’étaient fermées.
Tu comprends la nature de ma dévotion ;
j’espérais qu’en toi une étincelle de tendresse pût germer.
Je ne sais plus si tu étais omniscient
ou si j’étais aussi ignorant qu’une bête.
Chaque jour mon moi était plus déficient,
je tentais de le retrouver dans mes requêtes.
Et tu ne me refusais jamais rien
qui marquait toujours plus ma dépendance ;
et voilà ce qui renforça le lien
toujours plus serré au fil de la danse.
Ce fil a fini par trancher mes veines
tant il était enfoncé dans ma chair.
Cela te fera-t-il un peu de peine
à toi à qui je ne fus jamais cher ?
Je ne sais plus si tu étais radieux
ou si j’étais seulement éteint.
Je ne sais plus si tu étais odieux
ou si j’étais ingrat et catin.
La seule chose que je sais maintenant,
c’est qu’il me faut partir pour revenir
dans ce qui ressemble au monde des vivants
et me construire un semblant d’avenir.

(15/05/2012)

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