Simul et Singulis

entre2lunes

Une vie, des rêves, des toits

24 avril 1980. Ma petite sœur est née ce matin. Du haut de mes quelques pommes, je fais un calcul de « grande » : Emilie aura 20 ans en l'an 2000. J'en aurais alors 28, quatre enfants et une maison avec un jardin pour les regarder courir et grandir. Une vie parfaite dans la maison de mes rêves.

Finalement à 28 ans, j'avais pris un sacré retard sur le programme. Je rencontrais tout juste celui qui allait devenir le père de mes parents et accessoirement mon futur ex-mari.

 

La maison décomposée

Après ce bug affectif, il faut refaire sa vie. Sérieusement refroidie face au mot engagement, j'opte pour une location. Me voilà dans un « magnifique appartement de type haussmannien » avec chauffage …d'époque.

Refroidie, cette fois littéralement, quelques mois et 32 cartons plus tard, me voilà dans mon autre nouvel appartement. Ma petite sœur en voisine de palier, du soleil plein les mirettes et surtout un club de voisins toujours prêts à prendre un apéro. Un toit parfait, mais voilà, ce n'est pas chez moi et je me dis qu'il faut que j'arrête d'avoir peur.

 

Alors je me suis mise à chercher mon toit de rêves pour mère célibataire, A analyser, décortiquer, interpréter chaque jour les petites annonces, on devient une pro de la traduction des annonces de rêves-réalité.

Les « Charmants », « Coquets » sont à bannir… plus c'est mignon plus c'est ridiculement petit et tordu. Les « proche de la gare » vous laisseraient passer un TGV au milieu du salon sans moufter. Les « beaucoup de potentiel» vous promettent surtout une ruine en travaux.

 

La maison Single

Forte de mon Gaffiot de l'immobilier, je suis tombée sur l'annonce parfaite au bout de quelques mois. Pile le bon quartier. Un dernier étage, sans ascenseur certes, mais surtout sans voisin du dessus pour s'amuser à laisser tomber des enclumes sur son parquet à 6.00 du matin ou à jouer aux billes à tout heure du jour et de la nuit. On le sait, les voisins du dessus, font rien qu'exprès de nous embêter.

Deux chambres pour mes petits loups qui auront ainsi chacun leur territoire, une place pour moi dans cet immense double-séjour. Une exposition idéale.

J'ai ramé pour l'avoir. Mon agent immobilier préféré m'a clairement prise pour une dingue. « Il est pour moi vous dis-je ».

Dix mois d'enfer administratif après, je m'installe dans l'appartement de mes rêves.

J'y suis bien, tranquille, heureuse de regagner mes pénates le soir. Ravie de me réveiller en buvant mon thé devant le soleil qui se lève en traversant toute la gamme chromatique des rouges, roses, violets, orange… Enchantée de prendre l'apéro lovée dans mon canapé à contempler ces mêmes couleurs dans l'ordre inverse.

Ce n'est pas très grand mais c'est mon chez moi.  Exactement comme je voulais que cela soit.

 

Simul et singulis.

2016.  Ma vie rêvée du haut de mes 8 ans s'est décomposée et maintenant je me recompose une vie de rêves avec un prince charmant qui avait pris le chemin des écoliers, peut-être l'option sans autoroute sur le GPS de son cheval blanc. Mieux vaut tard que jamais. Mais la maison qui va bien quand on se compose une nouvelle vie, je cherche à l'imaginer.

Pas simple d'imaginer comment vivre à deux demis-familles et former cette nouvelle entité protéiforme que l'on nomme une « famille recomposée ». Avec des histoires différentes et une commune à construire. Des éducations à quatre référents parentaux quand il est déjà difficile d'être cohérents à deux.

 

« Simul et Singulis » veut dire « être semblable et être unique » littéralement. La Comédie Française, dont c'est la devise, le traduit plutôt par « Etre ensemble-Etre soi-même ».

J'aimerais bien trouver une maison qui le permettrait.

 

Aujourd'hui, je rêve d'une maison tournée vers l'extérieur mais construite autour d'un centre : une immense cuisine, lieu de découverte, de discussions interminables, de rire et « faire ensemble ». Rien n'aide mieux à construire des liens que le faire ensemble.

 

J'aimerais que chacun puisse y avoir son espace pour s'isoler et se recentrer sur soi. Trouver ce moment d'apaisement qui nous manque tant quand on est les uns sur les autres, quand le quotidien nous use. Etre bien ensemble passe par ces moments de solitude qui nous rééquilibrent et nous ressourcent. Etre ensemble passe par le respect de l'individualité. Et le lieu où l'on vit qui aide à cela.

Finalement ce dont je rêve c'est d'une grande maison alvéolaire. Spacieuse, c'est difficile à trouver, mais c'est la maison de mes rêves alors je m'interdis les tristes limites de la réalité…

Signaler ce texte