/ CLAIR OBSCUR /

Maxime

Dans les derniers espoirs d'une journée ensoleillée la lumière disparaît. Fragile éclat de chaleur quotidien qui nous réunis tous, sa bienfaisance tout comme son âme s'éclipsent sur une note de quiétude apparente : celle du renouveau. Partir pour mieux revenir, récolter de nouvelles expériences et les partager : un passage de témoin évident pour les générations à venir. Condition sine qua none d'une envie de transmettre, le soleil laisse place à la lune, telle un guêt propice à la contemplation d'un paysage monochrome. Ça et là les teintes se font plus sombres mais aussi plus discrètes, moins claires mais pourtant plus abruptes. Une délicate noirceur qui, malgré tout l'intérêt possible à lui porter, n'est pas si brutale qu'elle n'y paraît. Dans l'obscurité réside toujours de la lueur. Peut-être d'espoir, sinon de désir.


Louis s'avance pas-à-pas le long de la digue surplombant la majestuosité stellaire d'un ciel incroyable. Il a toujours été la tête dans les étoiles, à tenter de les distinguer pour les regrouper sur les constellations qu'il connaît. Un exercice qui n'est pas si simple au risque de se faire un torticoli. Mais Louis a toujours gardé bon espoir. Dans ce frisson d'enfance où ses premières émois furent ceux de l'existence d'autres planètes, il n'a cessé de s'imaginer ce que serait la vie ailleurs, focalisant ses envies sur celle d'un monde où ne résideraient ni les guerres, ni les pollutions, ni les enjeux politiques. Ni la faim, ni l'injustice, ni le suicide. Ni la pauvreté, ni les génocides, ni les maladies. Un monde lisse, loin de tout ce qui se passe sur notre bonne vieille terre. En gardant la diversité et les personnalités de tous ces êtres humains qui foisonnent d'idée jour et nuit, perdus dans leur foi. Celle de mordre la vie à pleine dents.


Dérangeant sa bulle dans le bon sens du terme, la main de Sarah dans la sienne vient subitement le ramener dans le présent. Une poigne forte mais douce, deux adverbes collant parfaitement avec son caractère. L'espace d'un instant Louis fixe ces deux mains, l'une dans l'autre, signe international de deux personnes qui ont décidé d'un accord envieux de partager leur vie ensemble. C'est une décision qui semble facile à prendre mais difficile à respecter. C'est un poids léger, celui de savourer le goût de son quotidien avec celui d'un autre, se laisser porter par le fruit du hasard, qui s'il murit sur des années devient un véritable verger. Pourtant Louis reste intimement confiant dans l'idée qu'une personne ne peut traverser son existence en solitaire : il y a forcément au carrefour des possibles une main qui vient vous extirper de la solitude pour y injecter son énergie. Karma, chakra, corstèle (état émotionnel, ndlr) ou tout simplement coïncidence, la vie réserve parfois bien des choses qu'il faille savoir récolter.


Parce qu'elle aime le savoir dans son océan de songes Sarah referme plus fermement son emprise sur sa main. Il est rêveur, et personne ne pourra lui enlever ses yeux grands ouverts lorsqu'il tisse une toile de projets qui mue d'une façon intense son quotidien. Il n'est pas perturbé : il est assoiffé. Il n'est pas bricoleur mais il modèle de la passion. Quelques lignes et quelques mots suffisent pour qu'il fasse naître un projet et rassemble des adeptes. Alors elle lui fait savoir qu'elle est là et qu'elle sera toujours là pour lui, dans les beaux comme dans les mauvais moments. Les inattendus, les inachevés, les inepties les plus folles peuvent devenir de jolis obstacles à surmonter. Un peu comme ce tronc d'arbre qui leur bloque le passage.


Alors Louis monte dessus et tend sa main vers Sarah. Maquillée par la lune, la scène paraît statique, presque faite pour être peinte. Par-delà les ombres, par-delà la prise de risque, c'est tout un ensemble qui s'arroge le droit de changer le cours des choses : deux personnes parmi les étoiles, une pensée en amenant une autre, il ne peut y avoir de parcours singulier. Le jour et la nuit, le soleil et la lune, la pénombre et la lueur, la clarté et l'obscurité. Les contraires s'attirent, se découvrent, se forment. Tout n'est qu'ensemble, tout ne forme qu'un. D'un premier baiser à un premier rapport, d'un premier coup de pédale à une première victoire, d'une première idée à une première résolution : il n'y a qu'un pas. Comme celui que fait Sarah pour grimper sur le tronc de l'arbre, comme ce regard de confiance qu'on ressent chez l'autre foudroyé par la peur, comme la plage enveloppée du lourd manteau de la nuit : c'est un ensemble. Parmi l'angoisse et la colère, parmi les pleurs d'une rage amère, cette montagne de maux sera toujours conquise par un versant positif. Celui d'un espoir ou d'un désir.

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