Soeurs
Fionavanessabis
Je suis plurielle. Je suis femme bien campée dans sa singularité. Je les ai vues, elles comme moi, se pâmer et se languir pour un beau spécimen du sexe opposé. J'ai senti leur douceur, leur amour dans le moindre abaissement de pâte sablée, j'ai versé comme elles le citron, le chocolat.
Je les ai entendues frémir de douleur et vues se liquéfier en mettant bas, quand il a fallu descendre dans l'arène et mener le combat le plus décisif. Je me suis vue en elles, je les ai vues en moi, mes sœurs amazones.
Je l'ai aimée celle-ci, femme sage et amie d'un jour singulier. Elle a deviné ma peine derrière le masque, à devoir me laisser ouvrir le ventre pour en extraire mon dernier-né, à qui je ne pus offrir que mon lait, ma joie.
Je les ai aimées encore, celles qui m'ont prise par l'épaule et guidées hors des méandres du chagrin, qui d'un clin d'oeil, qui d'un geste généreux.
Car elles sont ainsi. Elles sont le coeur, elles sont les bras, elles sont l'accueil indéfectible pour la mille et unième fois.
Il arrive que je tire le rideau sur mon âme inquiète, honteuse de n'être plus égale à elles-mêmes et de ne trouver la force que de délivrer sans bruit le spasme de mes sanglots, avant de remettre le pied à l'étrier.
Je me suis reconnue parmi les chanceuses qui s'en tirent seulement à moitié traumatisées, avec quelques éclats de verre dans l'aile, décidées à donner du fil à retordre à la bête humaine.
J'ai souri avec elles, lorsqu'elles s'étonnaient, les taquines, de me voir sans fiancé.
C'est que mon coeur est lent à recouvrer la vue, le souffle. C'est que je sais l'importance des silences entre les phrases mélodieuses. Je sais enfin que le Très-Haut ne manque pas de me garder tout contre Lui, au moment même où il envoie son enfant chérie au champ de bataille et en suit la pérégrination.
Là, j'ai cherché à mon tour, la grâce dans un son, dans un ciel d'été. J'ai voulu être air avec l'air, me fondre dans les molécules et n'être plus qu'oxygène pur adossé à un chêne, eau avec l'eau, fontaine intarissable sur la beauté des choses, feu brûlant du volcan prêt à jaillir, sable insaisissable sur la grève.
Tout comme elles, je me suis découvert une nature faite d'un ruisseau de désir, de souffles entrecoupées, de chairs déployées.
Pas tout à fait comme elles ; lorsque je veille, je ne rougis pas toujours, parfois je contemple, à tâtons, l'infini chemin où mènent nos caresses. La transcendance de mon amour. Le dépassement de soi.
Mais tout comme elles, fragile fleur je suis, qui peut perdre son parfum si le vent est trop fort. Et pour elles, pour moi, l'éphémère fleur de sous-bois chuchote, forget-me-not !
Et comment ne pas frémir aux nouvelles ? Qu'en sera-t-il pour mon fils, ma fille ? N'ai-je donc déployé tout mon amour que pour qu'ils se blessent aux huisseries mal huilées et rouillées de ce monde en déroute ?
Tout comme elles, je ne supporte pas qu'on blesse un autre dans sa chair, qu'on le meurtrisse, qu'on le prive de la sève d'un idéal.
Je sais le cadeau précieux qui me fut donné. Je le protège comme je peux, mais mon bouclier est petit, vieux comme le monde, et peut-être insignifiant devant la déferlante de haine.
Tout comme elles alors, je n'ai que mes yeux pour pleurer, que mon coeur pour prier, et dire, "arrêtez vos conneries, avant de vous saborder vous-mêmes, et nous avec".
Texte sensible et fort bien écrit. Bordel de merde ! Bon, le bordel de merde, n’était pas nécessaire, ça m’est venu comme ça, naturellement ! :o))
· Il y a plus de 4 ans ·Hervé Lénervé
Merci pour votre lecture et votre appréciation. J'espère que votre cri est une suite naturelle à ma dernière ligne, d'arrêter les conneries ! :)
· Il y a plus de 4 ans ·Fionavanessabis
Même pas, je termine toutes mes phrases comme ça. Je trouve que cela fait poétique. :o))
· Il y a plus de 4 ans ·Hervé Lénervé