Solitudineux

divina-bonitas

Les solitudineux, sont des arbres au tronc creux, la sève de la tristesse alimentant les bourgeons du chagrin le long de leurs branches étalées, sur lesquelles se perchent les insouciants, tappent les pics-verts de leurs becs durs, défèquent des volées de pigeons. 

Chaque printemps, le cèdre à la ramure aplatie, essaye de se recontruire au sortir de l'hiver, rêve qu'il est un saule pleureur, lequel, malgré son appellation défaitiste, boit à sa soif, vire d'un coup de liane les volatiles irrespectueux, d'un bruissement de feuillage léger, sans bruit, mine de rien, et hop, tout les emmerdeurs, dehors, dans un allez vous faire voir ailleurs murmuré si bas que personne n'a rien vu, rien entendu. Et le saule de reprendre sa danse enchantée, un coup de balais à gauche, un à droite, selon l'humeur et le vent, de continuer à prospérer, grâcile, au fil des saisons, sifflant à la moindre pécadille sur les curieux et les importuns, bavassant sans cesse pour éviter qu'on l'enquiquine.

Le résineux qui est un taiseux s'interroge muettement, sur ce qui l'a fait naître ainsi, droit, imposant, raide, sa croissance l'ayant contraint à grandir à la verticale, inexorablement, avant de voir croître ses branches horizontales, sous lesquels les lapins forniquent, les mulots se battent. cette agitation à ses pieds ne permettant plus à personne de lever la tête, de s'apercevoir que plusiuers branches menacent de céder, épuisées par les années, le poids de la neige et les bourrasques. La compagnie des feuillus et des fruitiers s'en tient à distance, croyant à tort que l'austérité et la raideur de l'auguste végétal, lui permet de se suffire à lui-même.

Puis un soir, lors que la foudre s'abat sur le faîtage du cèdre, il s'ouvre en deux, presque sans faire de bruit, seul au milieu du parc. Chacun constate un temps endeuillé, qu'il s'était vidé de l'intérieur, n'était depuis longtemps plus qu'une écorce épaisse remplie de rien, si ce n'est de bestioles velues, de parasites l'ayant grignotés de l'intérieur. Ce n'est pas très étonnant d'ailleurs, personne ne s'était rendu compte non plus que le lierre lui grimpait le long du tronc depuis des lustres, que la majesté apparente de l'arbre ne tenait qu'à cause du filet empoisonné de la plante nocive ayant profité de la négligeance du maître de maison pour tisser sa toile mortelle.

La maître de la maison se dit qu'il va faire des planches avec le cèdre mort, parce que ça fait partir les mites de ses placards, qu'il brûlera le reste des branches et des épines dans sa cheminée.

Combien se chauffent sur le dos des solitudineux?

Combien les côtoient sans les voir?

Combien d'égoistes fabriquent-ils de cendres, qui garnissent les foyers et les dessus de cheminées?   

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