SOMBRA Y LUZ
giuglietta
Nuit : Noire - Vent :fort - Marée : Haute
L'eau glacée coupe les jarrets, tranche le souffle, les épuise. Ils y pataugent tant et plus. Trébuchent sur les galets, que le roulis déroule.
Chaque vague les claque, les giffle, les assomme. Toujours ils se redressent. Et toujours, ils avancent, vers les caisses et les ballots flottant, imperceptibles, à la surface.
Les esquilles du bois lacèrnt leurs mains gourdes. L'écume de mer lèche leurs doigts sanglants. Baiser salé ! Ça vous brûle les nerfs. Ça réveille la rage que le froid endormait.
Parfois, au milieu des écueils, un coffre, violemment, percute un homme. Il coule. Et disparait. Pas de temps pour lui porter secours, si seulement on le voit. Pas le temps d'achever les marins survivants, qui hurlent sombrement des mots qu'on n'entend pas.
Un éclair illumine une gueule mençante, aussitôt engloutie ; la blancheur d'une coiffe ; le geste vif d'un gosse, harnaché de lourdes cordes, tirant vers le rivage quelque paquet enflé à l'abri des rochers.
Joyeux, d'autres gosses que l'on devine un peu dans la bourrasque, glissent sur le granit luisant, en mimant les adultes. Sur la crique, le feu brûle encor faiblement.
La pluie brouille plus encore la visibilité ; fines, drues, ses aiguilles qui martèlent les dos. Comme si ça manquait d'eau dans ce sombre tableau...
Au loin, tout là-bas vers la pointe, le faisceau du phare tourne encore, inutile, régulier. Tourne, tourne, comme les ailes d'un moulin fantôme.
Binetôt ce sera l'aube, et il sera trop tard. Le ciel sans étoile palit déjà, peut-être. Il faut finir. Bredouiller, grincement des dents, une prière vague en souvenir des morts. Partager le butin.
Ils n'auront pas la force de se battre, les gueux déguenillés, opacité liquide... Chacun emportera ce qu'il peut, ce qu'il vaut, et c'est peu.
Le jour se lèvera, toujours le jour se lève, sur la plage lavée de l'horreur du carnage. En retrait, dans la lande, celles qui attendaient souffleront la bougie à demi consumée.
Le vent sera tombé. Ce sera marée basse. Des hardes sècheront lentement. On mangera. Enfin.
Les naufrageurs, yen a plus sur nos côtes heureusement, et avec les gps se serait difficile, jolie description sur un thème inusité
· Il y a environ 13 ans ·arthur-roubignolle