Son petit doigt.(1)

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Extrait de: "Son sourire était gâché lorsqu'il lui restait encore un peu de ciment entre les dents, de celui qui colmate le trou et empêche la bactérie de s'installer."

Quand elle prenait le thé avec ses amies, et lorsqu'elle portait sa tasse à ses lèvres, elle avait toujours son petit doigt en l'air. Toutes le lui faisait remarquer: «  T'as ton p'tit doigt en l'air Betty ! » et ça l'agaçait.

- Ben oui j'ai mon p'tit doigt en l'air, et alors ? J'y peux rien, c'est d'famille !

Betty avait reçu une éducation financée par les bonnes manières. Son père dirigeait tant bien que mal une entreprise familiale, qui depuis 3 générations fabriquait des ronds de serviette en argent pour des mœurs de coton. Le coût de la matière première et la mévente de la serviette en tissu au profit de celle en papier, avait frappé de plein fouet la petite affaire  de métal précieux, autrefois juteuse.

Le père, pour qui rien n'était impossible tant qu'on n'avait pas essayé d'y croire, lança lors d'une réunion dividendes et objectif, le 13 juillet 1964: «  On va taper dans de la planche de 54 mm pour fabriquer nos petits ronds ! On va démocratiser le produit ! On va faire du pas cher pour les pas chics ! »

Ainsi naquit le rond de serviette en bois, en lieu et place du rond d'argent. L'entreprise déménagea dans les Vosges, où Betty passa la plupart du temps de sa jeunesse à faire du ski et des bisous derrière les arbres.

A chaque rentrée scolaire, sur le carnet de correspondance, à Profession de la mère, elle remplissait: Elle est au service de mon père et de la qualité de son produit.

A l'étonnement de son professeur principal qui s'interrogeait du drôle de métier de sa maman, elle répondait:

« Ma mère elle passe son petit doigt dans des trous pour s'assurer que c'est bien lisse à l'intérieur, pour que rien ne vienne perturber et déchirer l'enfoncement d'une serviette. Mon père dit que c'est pas plus con que faire médecin des dents ! »

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