Sons contraires.

Christophe Hulé

Pour faire taire les émetteurs de sons contraires, on a choisi de bannir tous les sons.

Même le « bas bruit » des journaleux ne voulait plus rien dire.

Et « plus rien dire », je rebondis sur l'affaire, était devenu le lot de tous.

Foin des discours mensongers de nos politiques, mais les grands groupes en vidéos avec les sous-titres, c'est quand même pas pareil : essayer de se souvenir de la voix de Mick Jagger par exemple, malheur à ceux qui ne l'ont jamais entendue avant Le Grand Silence, mais enfin, c'est bien fait, c'est que des jeunes.

Plus de rustres avec leur portable qui nous infligent leurs conversations insupportables au supermarché ou dans le RER.

Plus de nuits blanches à attendre que le couple du palier s'épuise à force de s'engueuler.

Évidemment tout ce qui était doux à l'oreille a disparu aussi.

Les masses ont dû apprendre la langue des signes et faire avec les 4 sens que le régime totalitaire a bien voulu leur laisser.

Au moins on entend plus leurs mensonges vociférés dans tous les lieux publics, ou sur l'unique chaîne autorisée à la télé.

Toutes les instances internationales ont mis les traducteurs au chômage technique.

Chacun muni d'une ardoise high-tech essaie de s'en sortir au mieux, ce qui exclut la plupart des vieux qui ont ressorti l'ardoise de l'école primaire.


- Monsieur le Ministre de la culture et de l'embrigadement, il est temps de nous pondre un rapport de retour d'expérience !

- Monsieur le Chef Suprême, c'était quand même mieux avant.

- C'est tout ce que vous avez à nous dire, euh, écrire ? Ne seriez-vous pas incompétent ?

- Je rapporte en termes simples ce que les masses pensent.

- Et depuis quand les masses pensent-elles, et qu'est-ce qu'on a à foutre ?

Vous échappez à l'exécution sommaire car vous m'avez paru sympathique à tel ou tel moment.

Les masses se sont soulevées, ce qu'elles font toujours, enfin souvent.

On a rétabli le droit au bruit, et même la (putain de) flûte ou la (putain de) batterie du fils ou de la fille (faut oublier personne de nos jours) de tels ou tels voisins sont devenues du Mozart.


Peut-être y a-t'il une morale : la tolérance peut naître de ce qu'on a failli perdre.

CQQFD, je sais !!!

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