SOUILLÉE

suemai

Je ne suis plus rien, qu'une morte ensevelie sous une blanche folie.

Tu pleures maman ?

Il pleut. Une route cahoteuse. Je chancelle à droite, à gauche entre ces cratères creusés à même  le bitume. J'affronte les camions de bois, les camions de pierres, mais jamais de camions d'amour. Les phares. Les klaxons. Mes yeux mouillés de toutes les pluies. Je roule.

Il pleut. Une route cahoteuse. Il y a si longtemps. Ce soleil tout au loin. Si longtemps qu'il m'attire, me réclame. Il viole ma vie depuis toujours. Je ne sais plus pourquoi j'entends ce chant, ce chant repentant, cette gueulante d'amour, tant de sans retours. Il se sent seul. Ça je sais. Le soleil brûle. Le soleil se meurt. Je dois sauver le soleil. Je roule.

Il pleut. Une route boueuse. Ça éclabousse. Je me sens sens sale. Comme une morte qui pille sa tombe. J'allume. Je bois. Des phares. Des phares. Que ça. Je roule. Je fonce. Ça éclabousse. Je roule. Ça éclabousse. Je fonce. Je roule. Ça saoule.

*

J'y suis presque

Que des millénaires

J'y suis presque

Sale sanguinaire

*

Il pleut. Une route boueuse. Ça éclabousse. La première fois. Sur un banc arrière, d'une putain d'bagnole puante. Ça éclabousse. Un rouge dégueu. Tout rouge, c'est partout. Il sue. Sa langue baveuse qui lèche. Dans mon sac. Oui dans mon sac. Il est lourd. Je braque le canon sur sa tête. Il y en a partout. Partout. Tout partout. J'arrache la crasse. Je coure nue dans la boue. Dans la boue gluante. Toute visqueuse, comme de la pâte à mourir. Je tombe. Debout je roule, puis roule et roule. Boueuse. Salie de sang boueux. Bouseuse. À pleine jambe, je roule. Je crie. Ma gueule klaxonne. Je roule.

*

Du pied je les balaye

Ces étrons de passions

Ces ordures de murmures

Ces baisés de violées

Ces chattes égorgées

___

D'la saloperie

D'saleté

D'saloperie

D'salauds

___

Le muguet de la mouette

*

Il pleut. Une route boueuse. Je glisse. Je tombe. Je perds conscience. Ça devient beau. Des cordées de draps tous blancs. Maman qui tient ma main. On rentre. Je caresse ma peluche. Une tasse de lait chaud. Une jolie histoire. Maman chante «Somewhere over the rainbow.» Je souris. Je m'endors.

Je m'éveille. Tête en morceau. Cœur en lambeaux. Plus rien de beau. Je roule. Allez. Vite. Je roule. Il m'attend.

*

J'y suis presque

Que des millénaires

J'y suis presque

Putain d'enfer

 ___

Un jour, le soleil m'a dit :

Douche

Couche

Touche

Minouche

 ___

C'était le baisé

De la brulée

De l'angoissée

___

Ma bavure

Ma torture

Ma souillure

 *

Il pleut. Une route boueuse. Je cherche. Je cherche, Je pense. Je cherche. C'est tout brulant, tout chaud. J'aime ça… ça fait mal. J'oublie. J'oublie ma vie. Ma putain de vie. Des mots. Des mots idiots. Des mots faux. Dégoutante, dégoulinante, je pense. Je cherche. Mais quoi. Un soleil meurtrier et tant espéré. Je cherche. Des images. Des débris d'images. Que du crottin blanc J'ai peur. J'ai tellement peur. Personne! Personne!! Personne!!! Que ce bruit. Ce Tic Tac. Ça fait mal. L'horloge de ma vie se détraque. Tic-tac… Tic-tac… Dans ma tête. Plus rien. Que rien. Ça me joue les saute-souillonnes.

*

C'est sale dans mon cœur

De la saleté de puanteur

De la pourriture de sueur

*

Il pleut. Une route cahoteuse. Je cours, je cours. Ça m'essouffle. J'aime ça. Je roule. Je roule dans la boue. Oui. C'est moi. Sale salope. Sang souillé, boueuse, Bouseuse. Y'a de la nuit dans mes yeux. Y'a de la vie que pour les heureux. Bonheur. Chiotte de bonheur. Les rires de cons, de connes, de saoulardes. Y'a que de la pluie, que de la pluie dans mes yeux. Du rouge partout. C'est rouge de pluie dans mes yeux. Je crie.

*

Au bout de la terre

Là où le soleil se terre

Il m'attire

Ce terrible désir

De salir

De punir

De mourir

 *

Il pleut. Une route cahoteuse. Des tas de rouges devant. Ça tourne. Des barrières. Du vert. Du jaune. Du bleu. Des tas de couleurs. C'est froid. Ça me gèle les poignets. Je roule au sol, tellement boueuse. Encore dans une bagnole. Non!!! Non!!! C'est lourd dans mon sac. Je vise. Je tire. Ça devient tout rouge, puis tout noir. Un noir pas de rêves, plus de rêves. Aussi noir qu'un col d'utérus saccagé, ravagé, éventré, jouant les jolis cols de nuit. 

*

Qu'un silence de soleil glacé

Aussi lourd qu'une porte épuisée

Qu'un vagin tout rougi, tout usé

 *

DISSOLVE TO BLACK :

 Ça pique, Ça brûle, j'aime ça. Mes mains. Je touche mes mains. Poignets rouges. Gueule amochée. Je marche. Un mec me retient. Un gars…. A fucking guy. On marche. Je crache. Coups de bâton. J'ai mal. J'aime ça. Assise. Sur une chaise, assise. J'entends une voix. Une voix de loin, de trop loin…

— Vous rappelez-vous votre nom ?

Je ne dis rien, je ne parle pas. Une fausse voix. Fausse ! Je ne la vois pas.

— Comprenez-vous Mlle …? M'entendez-vous …? 

Je ne dis rien, je ne parle pas. Une fausse voix. Fausse ! Je ne la vois pas.

The voice speaks to this fucking guy. Je veux le mordre. Il frappe. Ça coule. Le sang. Souillure de sang. Ça pisse le sang. J'aime ça. Un miroir. Je suis toute meurtrie. Toute bouffie. Du sang. Ça coule. Ça roule. Ça souille.

Bras croisés, veste capitonnée. Le rire de la folle, de la putain givrée. Je roule au sol, c'est tout blanc. Tout blanc. Pas de draps. Pas de maman. J'ai des yeux de plomb. Ils vont se fermer. Oui de plomb. Je lutte. Ça rigole. Je lutte. C'est du plomb. J'entends. : «C'est la psychopathe.» Le plomb. C'est le plomb. C'est tout noir. Noir de rien. Noir de mort.

*

Y'avait du bleu dans mes yeux

Trop bleu… on y a mis le feu

On m'a volée le blanc de maman

On a violé le blanc de mon sang

 *

C'est la fin du soleil rouge. Les premières notes du dernier blues.


DISSOLVE TO BLACK :

Musique

Musique

Dans ma tête

Maman chante

Chante

Oui !

Oui !!

Dans ma tête, oui ma tête, ça chante, ça fête !


Somewhere over the rainbow

Bluebird fly ... ... …

 

Regarde maman, ici c'est tout blanc.

Ne pleure plus... Ne pleure plus maman.

  • Quel texte fort chère Sue... Ces phrases courtes, incisives, ces répétitions.... Ton texte est cinglant comme un coup de cravache, coupant comme le scalpel. J'en ai mal au ventre, aux tripes. Cela me ressemble, tu le sais...J'avoue mon émotion à te lire dans ce registre. Franchement, comme j'aime découvrir autre chose de toi. Bravo ! Lulla

    · Il y a plus de 8 ans ·
    Moi rouge

    Lulla Bell

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