Soupçon

Je t'écris aujourd'hui, car je suis de retour de voyage.

Hier encore, j'étais bien loin d'ici, plongée dans un ailleurs, au travers une promesse, à tâtons je m'avançais. La gare était un peu sombre, mais une lueur émanait des quais grisâtres, ici bas. Je m'y dirigeais avec ferveur, le froid me glaçait le sang, la buée ambiante voilait ma vision, mais j'avais soif de chaleur.

Je me revois.. Je frissonne. Je t'attends, le corps glacé mais le cœur ardent.  L'idée de te revoir est douce, elle est si délicate qu'elle me recouvre d'un souffle tiède, d'une frêle étincelle, qui fait fondre l'espace d'un instant, la brèche gelée qui s'immisce furtivement sous mon chemisier.

Je n'ai plus froid, ton souvenir m'anime.. Je m'enivre de celui ci, je bois tes paroles passées, je respire ton odeur, je te possède presque tant je te pense. Mais je t'attends encore.

Cette petite lueur qui m'interpelle m'a soufflé son nom : Espoir. Je la suis et l'on te cherche ensemble, où es tu passée ? Ma lueur m'a dit que tu t'étais sûrement trompée de quai. Et moi, suis-je au bon endroit ? L'incertitude me parcourt les veines, elle cogne mes parois, elle s'est imprégnée de moi, c'est une sauvage, je la respire, je vis désormais au travers elle, elle me colle à la peau. Je ne me sens plus moi. Je suis parcourue, j'étouffe, pourquoi mes pensées sont elles si confuses ? Pourquoi l'air m'est-il si hostile ? Et surtout, pourquoi est ce la crainte que je respire et non l'élan d'enthousiasme, celui de prétendre à t'éprouver de nouveau, à te sentir près de moi, à vivre en toi..

Il est trop tard. Le soupçon s'est substitué à moi, je ne m'appelle plus, je doute. Il faut que tu accours, mais d'abord je dois me taire car je détiens un lourd secret.

J'ai déposé mon soupçon à la hâte dans ma valise, j'y ai entreposé un petit bout d'amour torturé, et il a beau se débattre seul entre des bribes de nous, je ne le laisserai pas s'échapper, il ne serait que trop vivace, à l'air libre. Ne t'en fais mon petit ange, il n'est pas aisé que tu tardes, mais ces miettes nommées méfiance se réduiront au silence une fois que je t'aurai retrouvé.