SOUVENIRS D'AVRIL

Julie Ormancey

On écrit jamais pour soi. On écrit pour ces quelques uns qui nous aiment, et que l'on aime aussi. On baisse la tête en attendant leur approbation souveraine, on guette leur moindre rictus comme l'ultime secours de nos aspirations utopiques et vaines d'un bout de postérité. Ces quelques uns qui sont tout, quand le reste autour n'illumine plus nos nuits. Je suis morte cent fois dans les paroles assassines, que l'on regrette, que l'on évite, mais que jamais l'on oublie. Je suis morte cent fois dans leur éloignement, dans le vide qu'ils ont laissé. Comment fait-on pour survivre quand on arrive plus à écrire ? Quand on ne trouve plus les mots, quand plus rien n'a de sens et que tout nous échappe. Comment peut-on vivre ainsi ? Comment tolérer l'amnésie. Je me cogne dans le vide de ces murs qui m'effraient, qui sont bien trop haut pour les y regarder. Ils me disent avec nonchalance que je perds mon temps, que ces heures qui glissent sous mes pieds ne seront jamais rattrapées. 

 

J'offre au soleil mes plus beaux sourires, à la rue mes plus grandes enjambées, en me disant que même si je gaspille, je n'en rate pas une miette. Je donne mon âme à qui voudra bien la prendre, nombreux furent ceux qui l'ont refusée, peut-être bien qu'aujourd'hui, certaines choses ont changé. Je me souviens les rires étouffés de mes classes dissipées, je me souviens des mots en cachette échangés, des sourires qu'ils créaient. Je me rappelle mon effacement des appels au tableau, quand je me ratatinais sur ma chaise pour devenir invisible, j'ai cultivé cette angoisse des lumières projetées, jusqu'à ma vie toute entière.

 

Je pense à ces sonneries qu'avec la plus grande impatience, on attendait. Et ces entrées de classe où chacun cherchait sa place. L'école est finalement comme la vie, avec ceux que l'on adule ou que l'on déteste, avec tous ses secrets finalement avoués, aux détours de couloirs ou de grimpements bruyants d'escaliers. Je me souviens qu'on s'offrait des cadeaux qui ne valent rien, que l'on échangeait pourtant comme des trésors, qu'on les brandissait avec fierté, devant ces autres qui y étaient étrangers. Je me rapelle de ces importances disproportionnées d'un monde hors du monde, que personne à part nous, ne comprenait.

  • Quel joli début de roman cela ferait!
    On a envie de tirer indéfiniment sur le fil des souvenirs; Il est tellement immense "l'écheveau sauvage" des souvenirs d'enfance!

    · Il y a presque 10 ans ·
    Un inconnu v%c3%aatu de noir qui me ressemblait comme un fr%c3%a8re

    Frédéric Clément

Signaler ce texte