Spice World

tactac

Mon frère a cuisiné un jour en 1994. Il nous avait dit : « Je vais faire un poulet à la Louisiane ». Aucune idée de que ça pouvait être, mais Maman avait acheté ce qu’il y avait écrit sur la liste du frigo. « Et n’oublie pas le piment ! ».
Car pour être pimenté, c’était pimenté !
Seul mon frère parvenait à distinguer une once de goût dans ce qui était censé être du poulet. Mes parents et moi-même avions la langue qui avait triplé de volume. Nous déposâmes les armes des papilles à la première bouchée. Mon frère avait gagné : il ne cuisinerait plus jamais à la maison.

Les seules fois où mon frère est entré à nouveau dans la cuisine familiale furent pour préparer la sauce de la salade. Une sauce trop moutardée à mon goût. Mais à la limite, à choisir, je préférais la sauce de mon frère à celle trop vinaigrée de mon père et à celle trop huileuse de ma mère qui ne réussit pas à renier ses origines espagnoles jusque dans son coup de poignet.

En dehors de la sauce trop moutardée de mon frère, ma langue peut également s’enflammer pour l’huile des pizzas et le wasabi – parce que ça impressionne les petits pédés chez le Japonais. Mais en dehors de ces trois aliments, le moindre goût relevé déclenche en moi de curieuses réactions.

Demandez donc à Coloca ce qui m’arriva au KFC de Bangkok – le seul KFC au monde où il n’y a pas un seul Black. Je commandais un sandwich au poulet frit en pensant qu’il était identique à celui des Halles – autrement dit dégueulasse. Que nini ! Zobi la mouche ! Mon front se mit à perler, mes yeux à pleurer et mes cernes commencèrent à se recouvrir de petits points blancs. La tablée de petits Thaïs était hilare en voyant le Blanc ne pas supporter un sandwich ; eux qui croquaient à pleine dents des piments dragons dés leurs 3 ans.
Ce jour-là, je finis mon repas par une glace à la vanille.

Mais ça, ce n’est que le premier effet piment, car il y en a un second que tous les backpackers connaissent bien.

« Heureux qui comme Ulysse. » Ouais, si on veut. Car Ulysse c’est quand même le premier grand voyageur que la terre ait connu. Mais l’Odyssée ne dit pas s’il était encore heureux lorsque ses intestins criaient misère. A côté, le chant des Sirènes c’est de la gnognote c’est moi qui vous l’dit. Et encore, il n’est pas allé jusqu’en Thaïlande lui. Car il n’arriverait à personne d’autre ce qui m’est arrivé sur la plage de Koh Samui ce soir-là.

Nous profitions d’un repas de rois sur une plage au clair de lune avec Colica et sa soeuretta. Cocktails et autres breuvages dionysiaques, seafood et autres traquenards gustatifs, lorsque je sentis un Alien dans mon ventre. Mon visage se mit alors à suinter et mes intestins à se tordre dans tous les sens. Turista, turista, elle danse tous les soirs pour les touristes du coin quoi ne pensent qu’à boire. Oh Turista !
Et toiletta.

Oh my Buddha ! Mais où donc se trouvaient les lieux d’aisance dans ce restaurant ? A croire que dans ce genre de paillote, personne ne ressentait le besoin de se rendre aux commodités. D’un autre côté, dans Sous le soleil ils ne vont jamais aux te-chios…

Les toilettes se trouvaient de l’autre côté de la piscine. Pour s’y rendre, il fallait affronter une meute de chiens affamés. Ou plutôt trois pauvres sacs à puces qui ressemblaient à rien, mais je suis un peu Marseillais dans mes exagérations veuillez m’excuser.
Revenons à nos bichons : face à moi siégeait une horde de guerriers canins assoiffés de sang, ou de Thaï-Canigou en tube, au choix. Votre humble serviteur décida alors de traverser courageusement cette épreuve porté par les ailes de l’espoir, ou de la chiasse – « une bonne chiasse c’est une purge à pas cher ».
Mais en passant à côté de l’un des chiens, je sentis une pression sur mon jean. Non, pas derrière, je sais me retenir quand même, mais sur le mollet plutôt. Un de ces foutus clébards était en train de me bouffer la jambe !
Et c’est qu’il ne lâchait pas prise le bougre : « Tu vas me lâcher oui saloperie ?? ». Il me tenait la jambe alors que j’étais sur le point de me vider de toutes les entrailles. Et comme Matt Dillon dans Mary à tout prix, je me débattais avec un clebs pouilleux qui n’en démordait pas. Definitely Susan Mayer attitude.

La suite importe peu puisque je réussis à rejoindre mon trône. Et comme dans la blague de Toto aux toilettes, vous n’en saurez pas plus car la porte était fermée à clef.

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