Square du Vert-Galant

sandrinerebelle

Le Square du Vert-Galant

Paris , Premier arrondissement

Je me promène la tête vide

Admirant les toiles encore humides

Des artistes apprentis

Qui peignent les moments de la vie.

Une brise légère

Dans les pommiers aux fleurs fières.

Une feuille de dessin

Tombe entre mes mains.

Comme une apparition

Tu nais d’un coup de crayon.

Vaporeuses formes dans un fond brumeux

Tu te bats, te déformes, pour revenir des cieux.

Demoiselle aux jupes décousues

Jeune fille au visage déchu

Tu as dû être belle

Dans un passé immortel.

Dans le square que tu hantes

Tu m’attires dans ton antre

Tu joues à te cacher

Derrière les grands marronniers

Tes longs cheveux au vent

Dansent dans le temps.

Assise sur le banc

Les minutes défilent lentement.

De ton corsage défait

Sortent tes petits seins émoustillés

De ton jupon relevé

J’aperçois ta jarretière décrochée

Il est parti, a disparu

Depuis longtemps il n’est plu.

Mais toi ici qu’as tu fait ?

Petite pimprenelle décharnée 

Lancinante musique du vieux Paris

Ton corps suit le rythme ravi

Le long du quai de Seine

Tu apparais comme une reine.

Ancienne maîtresse

Tu cherches la tendresse

Tu envies tous ces amants

Tu les guettes, tu les sens.

Fantomatique présence

Tu joues, tu danses

Tu veux les posséder

Spectre au coeur léger.

Assise sous l’Olivier de Bohème

Tu attends qu’ils se promènent

Voleuse du temps présent

Tu enfermes les baisers des amants

Puis, doucement tu lèches ta main

Pour ressentir au petit matin

Cette douce volupté

Qu’il ne peut plus te donner.

Ses caresses ne sont plus

Petite catin mise à  nue

Ton corps n’est qu’une ombre

Retournes vite dans ta tombe.

Tu cours, tu cours dans les peupliers

Pour espérer ressentir des caresses rêvées

Mais tu ne peux que fantasmer

Car ici ta vie a cessé

Par une nuit noire

Henri est venu te voir

Il a pris possession de ton être

Sous la lune qui vous guette

Mouettes rieuses, goélands argentés

Ont accompagné vos ébats passionnés

Vos gémissements ont ricoché

De la cathédrale à la cité.

Ton sexe encore en émois

Il est reparti dans le froid

Qu’il a laissé dans ton corps.

Pleurant sur les rebords tu cours à ta mort

Une main sur ton épaule

Tu la sens elle te frôle

Ta jupette est humide

Tu as été bien stupide

Tu suffoques tu te noies

Tu te bats pour rester là

Ton âme se sauve

Ton corps repose

Lente danse des cygnes

Tous témoins de ce crime

Macabre hymne dans la Seine

Ton esprit ici nous ensorcèle.

Je sors de ce square

Mon esprit est  nul part.

J’aperçois au loin

Une dame secouant la main.

Ni Adieu ni au revoir

Je repasserai bientôt vous revoir.

Sandrine Larcher Marle

2011

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