Sticky Fingers
texasjim
L’attitude, man ! De la pochette zippée aux titres des morceaux (Bitch, Sister Morphine, Brown sugar…), des photographies au line up des invités, des paroles aux chorus tranchants, tout, absolument tout dans ce vinyle suinte l’attitude… Le rock n’est pas (pas encore) une posture, mais un style de vie que les Stones érigent en art de vivre. Sticky Fingers en assène la cinglante démonstration. Impossible d’aborder sans frénésie la découverte de l’obscur objet du désir : après avoir fait coulisser précautionneusement la fermeture éclair, on extirpe la galette de son écrin avec plus de fébrilité qu’une adolescente lors de sa première expérience sexuelle. Rarement (jamais ?) pochette de disque aura été davantage en phase avec son contenu.
Tout ce qu’on entend dès qu’on pose le diamant sur le sillon, c’est ce riff imparable qui s’empare de votre cerveau, de votre conscience, de votre âme tout entière, qui s’immisce au plus profond de votre être… Ce son, reconnaissable entre mille, sur lequel tour à tour s’époumone ou se pose la voix de Jagger. D’entrée, Brown Sugar annonce la couleur dans la lignée des Honky Tonk woman ou Jumpin’Jack Flash. Définitivement enterrées, les errances psychédéliques de Their satanic Majesties request… Les puristes argueront que la présence de Mick Taylor chasse définitivement les fantômes du passé, confortable ou insidieuse métaphore pour définitivement rompre avec l’héritage de Brian ? Taylor ou pas, de toute manière, who cares ? Keith est là ! The Stones are back, et bien décidés à marquer leur territoire. A peine le temps de se remettre du chorus monstrueux de Bobby Keys au saxo, que déjà les guitares embraient avec un nouveau d’anthologie : Sway. Après avoir lâché la bride, les Glimmer Twins restent en selle mais ralentissent le tempo. La ballade Wild Horses, permet à l’auditeur de reprendre son souffle. Mais pas le temps de s’adonner à l’onirisme, adossés à la rythmique impeccable de Bill et au beat d’une précision métronomique Charlie, Can you hear Keith and Mick knocking ? Tout l’album n’est qu’une succession de références à la substantifique mœlle des Stones, à leur essence, à ce qui fait qu’ils trônent sans contestation possible sur le rock planétaire. La disparition des Beatles n’y change rien. Ecoutez, Bitch, est-ce que les Beatles avaient ce son ? Imprégnez vous des références : le rock, décliné à tous les temps et tous les modes dès la première plage, la soul (I got the blues), la country (Dead Flowers), le blues (Moonlight mile)… et Marianne (Sister Morphine, cette déclaration que la slide de Ry Cooder rend encore davantage poignante). Ah, Marianne : pour tout fan de rock, si Keith personnifie le riff, Marianne, elle, est le fantasme. Sticky Fingers nous fait toucher du bout des doigts le fantasme du rock. L’attitude. L’essence. Car les Stones ont davantage que l’attitude. Avec Sticky Fingers, ils sont le rock, jour et nuit, car comme le déclame Mick, you should have heard him just around midnight.