Superstition religieuse

Hervé Lénervé

Il est des coutumes non orthodoxes qui ne sont pas très catholiques.

Je ne suis pas croyant, je suis mécréant, pas superstitieux, juste suspicieux. Pourtant, en un temps d'incertitudes et de troubles, je pris l'habitude d'aller allumer, tous les dimanches, un cierge à l'église de mon petit patelin, pâle de teint comme un miroir sans tain. Je ne sollicitais l'aide de personne en particulier, je ne priais pas, non plus, j'espérais seulement que mon geste stupide puisse influer sur les émois de ma belle.

Ridicule, certes, pourtant, une coïncidence, surement, fit que cet acte se traduisit par un intérêt plus marqué de la Belle sur ma Bête personne. Encouragé par ce hasard, je pris cette habitude comme un gentil usage, d'aller illuminer la sombre église. Malheureusement les incantations s'usent à l'usure et les effets s'affaiblissant avec le temps, je grossis mon offrande à nul être, par deux cierges. Sait-on jamais ? Ça ne peut pas nuire ! Je suis de culture scientifique, mais les sciences n'explorent pas ces terrains vierges des friches sentimentales. Alors, aléatoirement, à n'en pas douter, ce renforcement produisit quelques tendres câlins. J'augmentais les doses. Cinq cierges, qui peut le plus, peut le moins ! Petit à petit, l'oiseau fait son nid, moi je fis, de cette innocente marotte, une manie, puis un rite obsessionnel et compulsif. J'augmentais encore les doses, sans plus voir d'effets significatifs, qu'importe, quand on est parti, on est parti et moi j'étais parti grave. Les cierges commencèrent à manquer, j'en achetai par kilos au prix de gros.

Le curé bien à la mode de chez nous, car il savait planter les boutchoux, remarqua mon manège, qu'il interpréta comme un signe de grande piété.

-         Vous achetez des cierges étrangers, mon fils, sont-ils sanctifiés ?

-         Aucune idée, « made in china », vous croyez qu'ils marcheraient moins bien ?

-         Ecoutez ! ils brulent pareille que des cierges de paques, les paroissiens n'y voient que du feu.

-         Eux, non ! Mais les forces divines, occultes et suspicieuses ?

-         Là, mon fils, je ne sais pas si Dieu y voit à redire.

-         Tant mieux ! Je n'y crois pas, mais je ne voudrais pas l'indisposer et surtout, ne pas le fâcher contre moi.

-         Grand Dieu ! Vous ne croyez pas en Dieu ?

-         Non !

-         Pourquoi allumez-vous autant de cierges, alors ?

-         C'est interdit ?

-         Ma foi, non ! Mais c'est curieux et bien étrange, ma foi, oui !

-         Les voix de Lénervé sont impénétrables.

Donc, devant l'incompréhension et la défiance du curé, je continuais mes rites païens derrière son dos. Et à force de tant d'efforts, mon amour ne me revint qu'épisodiquement, mais l'église partit en cendre dans un immense feu de joie. Les cieux pouvaient être contents, car ils le virent d'aussi haut qu'ils fussent et applaudirent le spectacle en cœur avec les enfants de cœurs, car je venais de les débarrasser de leur curé à la bite baladeuse. Enfermé dans sa sacristie, il périt en brasier.

Depuis je ne brûle plus de cierges, je fais rôtir du curé, c'est beaucoup plus efficace. Un curé équivaut au moins à 36 chandelles*, ce serait badaud pour le moins, d'en priver le chant de ma belle sirène.

*Jean Nohain connu le succès par cette émission de variétés, il ignorait alors, que le professeur Choron serait son sosie. Il n'aurait pas aimé avec sa culture très vieille France !

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