Sur cette place
pensee-solitaire
Sur cette place, il y a une centaine de personnes qui défilent. A bien y regarder, c’est toujours les mêmes visages qui reviennent. Moi, je ne travaille pas loin de là et je commence à dix heures. Chaque matin, je m’accorde le droit d’un bon petit déjeuner sur cette terrasse de café. J’observe les gens qui passent en sirotant mon chocolat chaud. Je gribouille des idées et met des miettes de croissant dans mon carnet. Je dessine des robes de mariées moi qui ne crois pas au mariage. Le monde m’inspire je n’y peux rien. Il ne m’a pas fallu longtemps pour le remarquer. La chose qui a attiré mon regard ce fut d’abord ses boucles blondes. J’ai ensuite pu entrevoir son visage. Il était un ange au milieu de cette foule. Il a tourné la tête vers moi et j’ai pu admirer l’eau au fond de ses yeux. Je suis arrivée en retard mais j’ai dessiné la plus belle robe de ma vie avec des plumes blanches et beaucoup de dentelles.
Sur cette place, il y a une centaine de personnes qui défilent mais la seule personne que je recherche c’est cet ange. Tous les matins, il s’arrête et regarde le ciel. Seul pilier immobile au milieu de la circulation. Alors moi, lorsque je n’ai plus d’inspiration, je regarde ce ciel qui change chaque seconde et je pense à lui. Je crois qu’il prend des photographies. C’est un artiste cela se voit à son sourire. Les pages de mon carnet demeurent vierges. Mon croissant est a moitié entamé. Mon chocolat chaud refroidis trop vite. Il observe le monde avec ses yeux bleus à la recherche de l’inspiration mais ne me regarde pas. Il ne sait pas que j’existe. Il y a trop de monde à cette heure-ci. Je suis trop banale pour qu’on me remarque, trop timide pour oser l’approcher.
Sur cette place, il y a une centaine de personnes qui défilent mais il n’y a que moi qui le remarque. Je suis la seule à sourire lorsqu’il arrive et se plante là pour regarder ce ciel. Je prends mon courage à deux mains, je laisse un euro sur la soucoupe de ma tasse et traverse la rue. Comme lui, je me mêle aux autres personnes et le regarde. Je m’approche de plus en plus. Mon cœur s’emballe et un sourire niais naît sur mon visage. Il braque son appareil vers une des anciennes maisons et j’en profite. Je passe derrière lui. Assez près pour pouvoir sentir son parfum mais pas assez pour qu’il puisse se retourner. Je fonds, je crois que je suis amoureuse. Ce doit être un sentimental, le genre d’homme qui fait le repérage des robes de mariée avec sa fiancée. Et lorsque tous les soirs je repasse sur cette place, je me mets là où il se tient et moi aussi je regarde le ciel. C’est poétique et ça me remplit le cœur de gaieté.
Sur cette place, il y a une vingtaine de personnes qui défilent à cause de la pluie qui ne cesse de tomber. Je suis sereine même si je sais que je ne le verrais pas aujourd’hui. Il faudra bien qu’il disparaisse un jour. Pourtant le poids dans mon cœur n’est pas dû au mauvais temps qui mouille mes pieds. Mon carnet se remplie de robes simples et droites. La chocolatine a remplacé mon croissant et de l’eau chaude parfumée me tient lieu de chocolat. Je suis trop concentrée sur mon dessin pour regarder les personnes qui s’installent à la terrasse. Le bruit d’une chaise qui se tire non loin de ma table. Je l’entend mais ne lève pas la tête. Un serveur me frôle et s’arrête, je peux voir son dos. « Un chocolat chaud et un croissant s’il vous plait. » dit la voix d’un homme chaleureuse et romantique. Mes yeux se lève sur lui. Ses cheveux blonds m’éblouissent. Il me sourit. Oui c’est bien moi qu’il regarde. Je suis tellement abasourdit que je ne lui souris pas.
« Vous êtes ici tous les matins n’est-ce pas ? Je m’appelle Pierre et vous ? »
Je ne sais pas, je l’ai oublié…
OUI
· Il y a plus de 14 ans ·Marcel Alalof