sur la pointe des mots

Christine Depeige

Sur la pointe des mots, tout en haut, là où il faut grimper à mains nues, la voie n’est pas tracée même si des milliers ont déjà creusé le même chemin. A chacun sa technique, à chacun son inspiration. Pas un sommet ne se vainc sans part d’inédit et même si tout a été dit. Car rien n’est jamais dit. Rien ne s’arrête ; la plus grande œuvre n’extermine pas les autres, elle les infirme ou les confirme. Sans rappel la montée est plus passionnante, en solitaire l’ambition n’a pas le même visage. Sur la pointe des mots, tout en haut, il ne suffit pas de se hisser sur la pointe de pieds pour tenter de voir ce qui s’y passe. Il faut monter. Monter. Pas sur un escabeau, ni à une échelle. Aucun accessoire ou matériel n’est assez haut. Il faut monter, seul, prendre le temps de se préparer, de s’acclimater, de s’équiper, de gérer son temps, son oxygène et surtout, surtout, jamais se retourner. Sur la pointe des mots, en équilibre entre le vide et le plein, le vertige et l’euphorie, il faut ouvrir les yeux, les narines, les oreilles, pour tout d’abord se taire. Reprendre son souffle et ensuite susurrer. S’accrocher pour monter encore. Ne pas se suffire,  ni de ce que l’on voit, ni de ce que l’on sent. Et se retenir. Se retenir pour ne pas dire les premiers mots qui viennent, comme il faut savoir parfois attendre  le deuxième, le troisième train. Il faut savoir attendre sans jamais rester immobile parce que sur la pointe des mots, là haut, rien n’est jamais écrit. 

                                                                          christine depeige

                                                                        (extrait monoblogue)

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