Sur l'Acropole

veroniquethery

Chapitre 2 : Thésée

   Encore 15 minutes avant la sonnerie ! 15 longues minutes ! Hé ! Ne croyez pas que je n'aime pas le cours de grec ancien... Seulement voilà, les copains sont déjà en vacances, eux ! Alors que mes camarades hellénistes et moi sommes encore ici en train d'écouter notre chère professeur, Melle Artémis - ça ne s'invente pas ! - nous conter les aventures de Thésée.

   Cela dit, je ne regrette pas ces moments. Car, à l'entendre parler, on croirait presque qu'elle était présente, tandis que le fils d'Éthra trucidait les brigands : « Rendez-vous compte ! Ce jeune homme - à peine sorti de l'adolescence – mais, oui, s'emporte-t-elle en tendant la main vers nous, il n'avait que quelques années de plus que vous – ce jeune héros part sur les routes du Péloponnèse et affronte les bandits les plus redoutables : Périphétès, le fils de Poséidon ou d'Héphaïstos et d'Anticlée, qui vivait à Épidaure, où il volait et frappait à mort les voyageurs avec sa massue. En chemin vers Athènes, Thésée le tua et s'appropria son arme. Puis, il combattit avec courage Procuste, qui sévissait le long de la route qui allait d'Athènes à Éleusis, où il offrait l'hospitalité aux voyageurs qu'il capturait pour les torturer ainsi : il les attachait sur un lit, où ils devaient tenir exactement ; s'ils étaient trop grands, il coupait les membres qui dépassaient ; s'ils étaient trop petits, il les étirait jusqu'à ce qu'ils atteignissent la taille requise . Thésée lui fit subir le même sort... »

   A ce moment du récit, mes yeux se ferment, presque malgré moi. J'ai l'impression de voir ce jeune Athénien plein de courage combattre les brigands cruels. C'est ainsi à chaque fois... Ne croyez pas que je m'endorme ! Non, mais le talent de conteuse de Melle Artémis est tel que nous avons l'impression d'être plongés dans cet univers mythique. Un grognement à mes côtés me sort de ce songe enchanteur ! Serait-ce le soupir sauvage du redoutable Sciron, qui s'apprête à précipiter dans les flots déchaînés une nouvelle victime qui servira de pitance à la tortue monstrueuse, qu'il se plait à nourrir des infortunés voyageurs ou le grognement de la laie de Crommyon, la « tueuse d'hommes » ? Mais non, ce n'est que mon voisin -et accessoirement mon meilleur ami Étienne – qui tente d'attirer mon attention... Certes, le bruit n'est guère délicat, mais où a-t-on déjà vu un garçon délicat ailleurs que dans les séries pour ado ?

- Regarde ! me souffle-t-il.

- Quoi ?

Mon ton n'est pas des plus aimables, mais je n'apprécie que peu d'être arrachée au monde héroïque des dieux grecs.

- Tu ne vois pas cette fumée ? s'agace-t-il.

Je dois admettre qu'Étienne a raison : un brouillard bleuté sort... de dessous le bureau de Melle Artémis. Et apparemment, notre estimée professeur n'a rien remarqué, toute à son enthousiasme... Faut-il l'interrompre ? Avant que j'ai pu décider, Julie - une blonde agaçante qui passe son temps à minauder des heures durant, surtout devant le séduisant Philippe, pour lequel j'ai un petit faible depuis la 6ème - pousse un glapissement à faire pâlir de jalousie les Sirènes elles-mêmes !

- Par la barbe de Poséidon ! Qu'as-tu donc à hurler ainsi, Julie ?

Hihihi ! Cette fois, cette méchante petite harpie va se prendre quelques heures de retenue. Melle Artémis a beau être un excellent prof, elle a horreur qu'on l'interrompe au milieu d 'un récit...

- Mais, Melle Artémis, regardez ! Nous ne sommes plus... Oh ! Nous avons quitté la terre...

Pas de doute ! Cette fille est tarée ! Je m'en doutais, bien, mais là, c'est confirmé...

- Elle a raison ! s'exclame Étienne à mes côtés. Nous ne sommes plus dans la salle de classe.

J'observe attentivement autour de moi. Ma parole, ils ont raison ! Nous nous trouvons au pied d'une colline... Plus bas, se trouve une terrasse, large de 7 mètres environ. Je me rapproche de Melle Artémis et j'ai peine à reconnaître ma voix, tant je suis angoissée :

- Mais, où sommes-nous ? Et, comment y sommes-nous arrivés ?

Mes camarades se sont rapprochés de moi, enfin ceux qui ont subi cette étrange odyssée : Étienne, mon cher ami, Théo alias M Dictionnaire, Hector le guitariste, Méline la meilleure élève de la classe et Arthur, le nouveau. Sans oublier hélas cette dinde de Julie...

- Si je ne me trompe pas, répond Melle Artémis avec un sourire extatique, nous sommes sur la Pnyx.

- La quoi ? grommelle Hector, sans doute furieux d'être séparé de sa chère amie Faustine.

- La Pnyx ! Une colline du centre d'Athènes. Regardez ! Nous sommes à l'ouest de l'Acropole et nous surplombons l'ancienne Agora. Et là-bas, vous pouvez apercevoir la colline des Nymphes et celle des Muses. Cet endroit était dans l'antiquité le siège de l'Ecclésia, l'assemblée des citoyens, qui y votait à main levée les lois, votait le budget, désignait les membres de...

- Les Muses ! Les Nymphes ! Athènes ! Mais, c'est n'importe quoi ! l'interrompit Hector encore plus furieux.

- Et là, vous apercevez la bêma.

- N'est-ce pas la tribune des orateurs ? intervint Théo.

- Bravo, mon cher Théo ! le félicita Melle Artémis.

- Mais non, c'est vous qu'il faut féliciter, chère Melle Artémis, s'exclama dans notre dos une voix chevrotante. D'avoir été un si bon mentor...

Nous faisons volte-face. Un vieillard vêtu à la mode antique -entendez par là qu'il portait un long khiton, une étoffe de lin, pliée en deux dans le sens de la hauteur, dont les bords sont réunis par une couture latérale, formant ainsi une sorte de fourreau et suspendu aux épaules par deux fibules – nous regarde d'un air bienveillant.


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