Sur mon 31
Jean Claude Blanc
Sur mon 31
J'ai hâte me mettre sur mon 31
Car 2015 touche à sa fin
En cette soirée, dans ma contrée
En vieux garçon vais festoyer
Vite fait sur le gaz, mon cassoulet
Dans ma baraque nulle âme qui vive
Plus comme jadis, éclats de rire
Tas de copains et de convives
Placés au rang des souvenirs
Ce 31, nuit comme les autres
Péroraison d'un bon apôtre
Lui-même vieillard sinistré
S'apprête seul à s'ennuyer
Fuite des ans, près du trépas
Mes gosses, ma femme, envolés
Je me permets petit extra
Le bêtisier à la télé
Remontent d'un cran, ressentiments
N'ai plus le cœur de le fêter
Ce Saint Sylvestre indifférent
L'indépendance m'a gagné
Pour faire comme si, plus belle la vie
Je me raconte mes exploits
Du temps où je faisais des folies
Pour un bijou à ma nana
Sur ma table trônent quelques bougies
Pour mes fantômes sans visages
Me reste que la Vierge Marie
Bien fait pour moi, plus à la page
Goûte pas l'alcool ni les cachetons
Même à la diète, je suis rond
Sur mon passé, je reste campé
Y va de ma lucidité
En cette nuit feux d'artifices
On en oublie tous les supplices
D'humanité en rébellion
Pour le dindon et les marrons
Au loin clignotent les guirlandes
Sur les façades des maisons
Préfère m'asseoir sur la lande
Tailler ma route à l'horizon
Triste fin d'année, les yeux embués
J'erre comme un chien abandonné
Gardant ma porte calfeutrée
Pour y confiner mes secrets
Je passe mes nerfs à pianoter
Sur mon ordi, bien inspiré
Aller et retour vers mon lit
Buvant la coupe jusqu'à la lie
Les heures s'égrènent sur ma pendule
J'attends minuit, pauvre crédule
Pour me souhaiter la bonne année
A voir ma gueule, ça promet…
Soudain arrive l'instant fatal
Pas de hourras dans le voisinage
Je me réserve portion frugale
Bout de saucisson et de fromage
Le 31, l'ayant achevé
Tourne la page du calendrier
Débarque flambant 1er janvier
2016, soixante-trois balais…
Qu'ai-je de plus, bien avancé
Après ce petit saut de puce
Un an de plus, et puis après
Arriverai-je au terminus
Ce soir gambille le village
Forces coutumes d'embrassades
Je n'en suis pas, demeure au large
Des boniments, des mascarades
Voulu la paix, plus que servi
Je reste en rade, en mon logis
Toute la portée de ma famille
Me laisse de côté, sauf ma Fille
Petit coup de fil, qui me restaure
Ne demande pas un gros effort
Pour voir si ne suis pas mort
Mes deux gosses veillent sur mon sort
C'est un rituel obligé
De venir présenter nos vœux
Les miens, d'avance sont claironnés
Je ne veux faire que ce que je peux
Pour mes gamins et pour ma mère
Leur rendre grâce, pour leurs lumières
Sur mon 31, reste planté là
Même de l'écrire, c'est pas la joie
Faisant le compte des déboires
De mon voisin, qu'on dit bizarre
En guise d'étrennes, lui rends visite
A ce pauvre type, à vie d'ermite
Il n'a pas d'âge, ni de télé
Se moque des actualités
Du coup, j'endosse la défroque
Du péquenot, veston en loque
Le 31 pas notre souci
S'arrose de rasades d'eau de vie
N'est pas avare de dictons
Tout en patois, me fait la leçon
Mais craint bien, que l'année prochaine
Ira dormir sous son vieux chêne
(Désir à lui, se faire cramer
Pour ameublir sa terre sacrée)
Pas l'arme à gauche, pour le moment
Au tic-tac de l'horloge
Qui scande la chance, d'être bien portants
Un peu de concorde, nous on s'arroge
Mesurer le temps, nous rend serviles
Même d'y penser, c'est inutile
A ce mouvement perpétuel
De notre planète qui chancelle
On est loin de tous ces flonflons
Rythmés au son d'accordéon
Pas de pétards, que des canons
C'est le djihad des pochtrons
Serez surpris, chers lecteurs
Deuxième partie de mon poème
Tourne à l'envie de ce bonheur
Qu'hélas, n'a pas de théorème
Pas de costume, pas d'apparat
On se fait pas du cinéma
Entre semblables, pas de manières
Le 31, soir ordinaire
Qui me lisez, en cette nuit
Vous en faites pas, me réjouis
Ma pipe enfume mon esprit
Près de mon pote, las, assoupi JC Blanc décembre 2015 (juste avant la bascule)
Mon ami, votre texte est fort et touchant. Je vous envoie toutes mes pensées pour cette nouvelle année.
· Il y a presque 9 ans ·no-user-found