Tabac

Je suis Bob, professeur d'histoire géo sévissant au sein du collège Ribéry de Trappes, peintre du Dimanche,  militant écolo depuis dix ans, fumeur de roulés depuis quinze ans. Je  suis en couple avec Sophie, ravissante Polonaise rencontrée à la fac, et qui œuvre maintenant dans une boîte de pub.

Nous sommes invités avec des dirigeants de labos pharmaceutiques à un dîner important chez le boss de  ma compagne, qui doit arracher la campagne de promotion de nouveaux médicaments.

“Bob, es tu prêt ? Dépêches-toi, je te demande d'être souriant et hypocrite, car de cette soirée dépend mon avenir professionnel ! »

« J'arrive, ma chérie, mais tu sais combien me coûte cette soirée tellement ce milieu m'ennuie, je finis ma clope et hop on y va.»

Nous arrivons dans une luxueuse maison et sommes reçus par le maître d'hôtel qui nous introduit dans une vaste entrée, où le marbre rivalise avec les  boiseries dorées et les consoles croulant sous des collections de statuettes en jade et ivoire ; les hôtes nous saluent et nous présentent les autres invités.

Nous nous affalons dans un des Chesterfield du grand salon devant une coupe de champagne et un étalage de canapés d'un traiteur renommé.

«  Alors que faites-vous dans la vie ? » Me lança l'hôte, tout en reluquant gourmand Sophie habillée à l'occasion d'une tenue neuve, modèle piège à contrat.

« Dans la vie, je peins, et j'enseigne et je milite aussi pour une écologie chrétienne basée sur un retour de la frugalité, et vous Jacques, je peux vous appeler Jacques.»

« Oui, bien sûr, je dirige le labo Lelay spécialisé dans les traitements pour la disponibilité cervicale.»

Puis je demande si cela ne dérange personne si j'en roule une.

« Non bien sûr » dit gênée la maîtresse de maison.

« Si cela me dérange ! » Grogne Jacques, « Je ne tiens pas à diminuer mon espérance de vie et être empuanti toute la soirée. »

« Puis-je sortir alors ? »

« C'est difficile car nous avons programmé l'alarme contrôlant les ouvertures, de plus les chiens de garde à l'extérieur sont lâchés et s'ils ne vous connaissent pas, ils sont capables de vous dévorer ! »

Jacques reprend alors l'assaut :

« Cher monsieur, savez vous à quoi vous vous exposez en cédant à cette addiction :

Des dents jaunes, un cancer de la bouche, des poumons, des voies digestives, un vieillissement de la peau, un système circulatoire bouché avec risque aggravé d'infarctus et d'AVC, sans oublier la décimation de votre sperme, une odeur répugnante, et tout ceci n'est qu'un résumé ; le tout enrichissant des sociétés à l'éthique peu reluisante. »

« Jacques, j'accepte vos remarques, mais avant tout j'aime bien fumer, et je ne me cache pas les effets secondaires, malgré tout sachez que cette pratique m'apporte et a apporté à l'humanité beaucoup de bienfaits, en effet il semblerait d'après le dernier livre de Marcel Nicot, grand historien, que la Renaissance en Europe soit surtout due à l'arrivée du tabac, dont un des premiers consommateurs aurait été Leonard de Vinci lui-même ! »

« Ah, bon ! » bredouilla Jacques, le souffle coupé par cette révélation.

« Le tabac qui semble doper l'esprit serait derrière de nombreuses découvertes qui ont amélioré la vie des humains. Regardez le nombre de  scientifiques qui la cigarette, qui la pipe au coin des lèvres figurent  au palmarès des prix Nobel ou dans d'autres systèmes de récompenses mondiales, c'est impressionnant, regardez les grands policiers, Lucky Luke, et j'en oublie  tellement. »

« Certainement, mais ne me dites pas que tous les fumeurs cachent des Freud ou des Einstein, avez-vous déjà fréquenté les services de fin de vie dans les hôpitaux garnis par les anciens fumeurs, je pense malgré vos arguments qu'il faudrait prohiber l'usage du tabac »

« Vous voulez supprimer la fumée. »

 « Non, bien sûr,  seulement le tabac, quoique, par ailleurs, notre labo doit lancer un médicament pour aider les accros comme vous : il devrait s'appeler le Fumator, et nous comptons sur votre épouse pour en assurer peut-être sa promotion, car son slogan nous plaît : «  Si le tabac t'abat, le Fumator t'adore »

 « Cela va faire un tabac ! »

« Euh ! »