Tatnetta
victoria28
1. Le sang reflue de loin, le verre se remet en place, le bruit de l’explosion grossit et brusquement c’est le silence, il n’y a plus que les trois agents de sécurité penchés autour de moi dans la salle vide, qui me regardent sans oser me toucher et qui disent à mi-voix:
« C’est dangereux, vous croyez ?
– C’est incroyable !
– Comment est-elle arrivée là ? »
Ils s’en vont tous les trois en pressant le pas, et puis il y a une longue attente. Je suis seule auprès du tapis roulant qui tourne en cliquetant –tchac-a-tchac, tchac-a-tchac. J’ai le temps d’observer sur un tapis voisin des valises étiquettées pour Pékin, abandonnées elles aussi. Soudain les gens affluent en me regardant, certains crient, il y a une bousculade au fond du couloir au moment où dans les haut-parleurs une hôtesse de l’air annonce avec une voix de mauvaise actrice qu’en raison d’un colis suspect à l’arrivée des bagages, nous allons procéder à l’évacuation du terminal B.
Au loin une femme parle aux vigiles en me montrant du doigt, puis elle vient vers moi en courant, elle me regarde horrifiée. Elle me soulève du sol sans douceur, elle cherche l’étiquette et elle finalement me repose avec soin sur le tapis, un sourire reconnaissant aux lèvres.
Sur les bandes des caméras de surveillance, je me mets à fumer. L’image passe en accéléré.
2. L’étiquette, c’est donc ça le problème. Mais à ce moment là ce n’est pas encore un problème. Nous tournons sur le carrousel à bagages, de plus en plus écrasées les unes contre les autres, scrutées par une foule toujours plus compacte. L’air sent le froid et la poussière. Les visages sont fatigués. J’ai de la chance car je suis couchée seule dans un coin. Mais cela ne dure pas. Soudain un jeune chevelu à lunettes jette sa besace militaire sur mon flanc gauche, et il doit trouver ça amusant parce qu’il crie à ses amis : « eh ! par ici ! je l’ai trouvée ! » et j’étouffe soudain, je me tords sous la pression, ce sac doit peser trente kilos, et je sens comme une coupure le froid métallique des lattes du carroussel qui tournent et grincent sous nos poids conjugués.
Sur les bandes des caméras de surveillance, je me mets à vibrer. L’image accélère à nouveau, jusqu’à l’entrepôt de tri.
3. Nous roulons sous les néons depuis que nous somme sorties, les unes après les autres, du tapis roulant. Deux hommes en uniformes de l’aéroport nous ont placées sur un chariot en poussant de grands houmpf ! d’effort. Je ne me plains pas : j’ai une place de choix, tout en haut de la pile, je peux apprécier à loisir la hauteur du hangar violemment éclairé, le ballet de camionnettes et de chariots qui s’entrecroisent entre le terminal et les avions. Nous filons en suivant une ligne jaune tracée sur le sol. Au loin se dessine un Boeing, soutes ouvertes, qui nous attend. Je vais voler enfin. Ca ne m’est jamais arrivé.
Alors venue du bout du hangar une voiturette approche, avec au volant un autre employé qui agite le bras en souriant. Il descend de son véhicule et vient discuter un moment avec les deux gros bras du déchargement, et tous trois doivent hurler pour s’entendre dans les ronflements de moteur qui rebondissent sur les parois. Ils parlent en écartant les bras, ils ont l’air de moins en moins contents. Finalement l’employé fait le tour du chariot d’un air catastrophé, et pendant que les deux gars de la
manutention ont le dos encore tourné il me retire subrepticement du dessus de la pile où j’étais installée, et il vient me cacher à l’arrière de sa voiturette, l’air tendu, décidé. Il ouvre à demi le couvercle. Le tic-tac de la bombe se tait. Il enclenche un bouton. Il ne peut s’empêcher de regarder la caméra.
C’est lui, dit quelqu’un. L’image s’arrête. Regardez chef, on l’a trouvé, vous voulez le revoir à l'endroit?
Vous avez respecté les consignes à la lettre et vous avez très bien réussi l'exercice. Vos descriptions sont précises et efficaces, nous entrons dans la peau de votre valise et mieux encore, nous sommes suspendus à l'action ! Si l'idée de la valise piégée n'est pas très originale, vous l'avez fort bien traitée. De mieux en mieux, Victoria, bravo.
· Il y a plus de 13 ans ·abeline
@ stef: merci pour tes commentaires, tu as tout à fait raison. J'ai voulu m'amuser avec l'exercice en racontant l'histoire de la fin (étant donné qu'une valise abandonnée sans étiquette, a priori la fin est déjà écrite...), mais ce n'était pas assez clair en effet. J'ai corrigé, mais je ne suis pas encore très satisfaite du résultat.
· Il y a plus de 13 ans ·victoria28
Bien joué.
· Il y a plus de 13 ans ·yl5
Bravo Victoria, les consignes semblent être respectées. Belle imagination, pas évident de se mettre dans la peau d'une valise !
· Il y a plus de 13 ans ·sophie-dulac