Téléphones mobiles : la solution contre l’analphabétisme dans le monde ?

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Découvrez la nouvelle rubrique "Médias" du magazine "Opinion Internationale", le média des libertés et des cultures, avec Pierre Maurel

Tout un symbole : fin 2015, le nombre d'abonnements de téléphonie mobile dans le monde a dépassé les 7 milliards, c'est-à-dire le nombre d'habitants sur la planète, pour atteindre un taux de pénétration de 97% de la population mondiale.

Ce sont les chiffres les plus récents publiés par l'International Télécommunication Union (ITU) qui fait référence en la matière et qui précisent que dans les pays en voie de développement, la pénétration des abonnements mobiles a atteint 90% fin 2014, contre 121% dans les pays développés. Plus précisément, le taux de pénétration a atteint 69% en Afrique fin 2014 et 89% en Asie-Pacifique. L'Europe et les Etats-Unis ont quant à eux franchi les 100% depuis 2012.

Toujours d'après les chiffres de l'ITU, le marché mondial approche même déjà de la saturation : la croissance des abonnements n'est plus que de 2,6% par an, et elle est surtout due aux pays en voie de développement.

Se dire que chaque personne sur cette planète dispose déjà d'un accès à un téléphone portable peut paraître futile quand on sait que plus de 750 millions d'entre elles (11%) n'ont tout simplement pas accès à un point d'eau potable voire même étrange au regard des 1,2 milliard de personnes qui vivent sans électricité.

Or ce chiffre est en fait une bonne nouvelle au regard des 800 millions d'adultes analphabètes dans le monde, dont 410 millions vivent en Asie et 190 millions en Afrique subsaharienne alors que l'Europe en compte seulement 7 millions.

L'analphabétisme et l'illettrisme sont des problèmes graves et l'accès à la lecture et à l'écriture peut et doit être considéré comme un besoin de première nécessité. Partout dans le monde, la maîtrise de l'écrit devient plus que jamais indispensable, qu'il s'agisse de l'accès aux services, à l'information ou pour la défense de ses droits. Les personnes qui n'y ont pas accès sont de plus en plus marginalisées avec des conséquences graves et durables sur leur niveau de vie et notamment en ce qui concerne l'accès aux services de soins et de santé.

 L'accès à la lecture au bout du mobile

Au mois d'avril dernier, à l'occasion de la Journée mondiale du livre et des droits d'auteur, l'UNESCO publiait une étude intitulée « Lire à l'ère du mobile » insistant sur les bénéfices spécifiques de l'utilisation des téléphones mobiles pour un accès universel à la culture dans des pays en développement où les bibliothèques de livres papier sont à la fois rares ou tout simplement trop éloignées. Les réseaux sans fil et les écrans mobiles sont dans ce cas un excellent moyen d'abolir les distances et d'avoir accès à des bibliothèques entières de livres.

En effet, selon l'UNESCO, des millions de personnes ne lisent pas pour la seule et unique raison qu'ils n'ont pas accès à des textes écrits. Mais les téléphones portables et les réseaux cellulaires sont en train de transformer une denrée rare en ressource abondante.

Dans cette étude, Charles, instituteur au Zimbabwe, explique qu'il fait dorénavant la classe à ses élèves à partir de textes trouvés sur son téléphone : « Nous vivons dans une région un peu reculée et j'ai déjà lu et relu la totalité des livres à disposition dans notre village. Le téléphone mobile me donne maintenant accès à une grande variété de livres de toutes sortes. » S'appuyant sur plus de 4.000 questionnaires ainsi que des entretiens qualitatifs recueillis dans sept pays en développement, ce rapport brosse un tableau détaillé de qui lit des livres sur téléphone portable et pour quelles raisons. Il ressort que les téléphones mobiles constituent un nouvel et formidable accès à la lecture, particulièrement apprécié par les jeunes et les femmes pour lire des histoires aux enfants, car au final plus pratique, moins cher voire gratuit et à disposition n'importe où et à n'importe quel moment. Tout le monde a potentiellement une bibliothèque entière de livres en permanence dans sa poche.

Les entretiens menés prouvent que lire sur mobile constitue pour beaucoup un accélérateur dans l'apprentissage de la lecture et dans l'appétence pour la littérature et notamment en ce qui concerne les femmes. En effet, si les femmes sont encore moins nombreuses que les hommes à posséder un mobile, elles lisent par contre beaucoup plus que les hommes lorsqu'elles en possèdent un. Les conclusions de cette étude soulignent que 90% des personnes sondées déclarent aimer lire sur leur portable et qu'il existe aujourd'hui de nombreux outils pour lire et trouver des textes sur un téléphone, aussi basique soit-il.

Le rapport cite en exemple l'application World Reader Mobile (www.worldreader.org) lancée avec succès par une ONG en 2010 et qui propose des dizaines de milliers de titres à des millions d'utilisateurs pour tous les niveaux, à lire gratuitement ou pour presque rien. La technologie mobile a prouvé qu'elle peut développer l'alphabétisation et l'apprentissage rapidement et durablement dans les communautés défavorisées autour du monde. Les freins restent néanmoins de taille comme les problèmes d'accès à l'électricité, de connexion et de couverture réseau, le coût du temps de communication mais aussi le manque de diversité dans les portails d'accès, les droits d'auteur qui freinent l'accès aux œuvres majeures ou encore le manque de diversité dans les langues disponibles. L'immense majorité des textes sont actuellement en anglais.

 Place au français

Dans ce contexte de mondialisation accélérée, la langue française a pourtant de beaux jours devant elle. Selon le dernier rapport de l'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), aujourd'hui un peu plus de 274 millions de personnes réparties sur 75 pays et territoires parlent et utilisent la langue française au quotidien. Si le processus de scolarisation en langue française se poursuit dans les pays africains francophones, ce chiffre pourrait bien monter à 750 millions de locuteurs français dans le monde en 2050, soit 8% de la population mondiale prévue à cette échéance (9 milliards), ce qui est loin d'être anecdotique. Les éditeurs en langue française y voient, à raison, un marché d'avenir à fort potentiel.

Le web français regorge de belles initiatives, comme le site de l'Institut français, qui est l'opérateur de l'action culturelle extérieure de la France, et qui propose une base de données unique des titres en français ou traduits en langues étrangères en format ebook à destination de la communauté internationale, ou encore le site « WeLoveWords », qui est la première plateforme d'échange et de partages de textes (principalement en français) pour les auteurs et rédacteurs en ligne avec plus de 81.000 textes en lecture libre et gratuite proposés par plus de 22.000 auteurs différents.

Citons aussi le site internet et l'application de Radio France International (RFI), qui fait une énorme part de son audience à l'internationale et en particulier sur le continent africain. RFI propose ses informations en 12 langues différentes ainsi qu'une section spéciale intitulée « Apprendre le français » avec « Le journal en français facile », « Le fait du jour » qui propose de s'entraîner à l'écrit avec une série d'exercices autour d'un fait de l'actualité extrait du journal en français facile. Enfin « Les mots de l'actualité » pour enrichir son vocabulaire à partir des actualités de la journée. Ce ne sont que quelques exemples parmi des centaines d'initiatives qui vont dans le même sens.

Retrouvez tous mes articles dans la rubrique "Connected citizens" du magazine en ligne "Opinion Internationale"

https://www.opinion-internationale.com/auteur/pierre-maurel



  • Merci Pierre pour le partage de ta rubrique. WLW vu sous l'angle de la promotion et de l'accès à la Francophonie, c'est chouette ;-)

    · Il y a plus de 8 ans ·
    Loin couleur

    julia-rolin

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