Tendre satire de l'interprétation: un monde en 3D!

orlov

En planchant sur la lettre de motivation de ma sœur pour ses entrées en école d’Art, je me suis rendue compte en blablatant, à quel point je me prenais au jeu de l’artiste qui s’élève dans des sphères de l’interprétation et se projette dans tout un tas de pensées. Un blabla assez génial je l’avoue mais un peu fumiste.

J’ai ensuite butté sur le mot « interprétation » et plus j’ai répété ce mot, plus il m’a semblé bizarre. Au final à force de le dire et redire,  j’ai eu l’impression qu’il ne faisait plus partie de ma bonne vieille langue française. Je pense que cela vous est déjà arrivé. Aussi, j’ai pu le prendre des sphères de mon cerveau, pour le poser un peu plus loin et l’observer.

Nous somme à l’époque de l’Interprétation. Ce mot s’affiche partout et la conjugaison du verbe se mange  à toutes les sauces.  Un monde en trois dimensions : la réalité et ce qu’on voit, le sens donné par la personne qui parle ou agit et enfin  le « sens caché » qu’il y aurait derrière les deux premières dimensions. Ce sens caché serait un peu le discours de l’inconscient et des libres esprits ou le discours intérieur-extérieur un peu comme «  je est un autre » finalement.  On croit être soi et en fait, pas  du tout !  On croit savoir et en fait, pas du tout ! On croit connaitre le sens  des choses, même les plus simples et : Ah non vous n’y êtes pas ma petite dame !

Ces dimensions on les retrouve au quotidien bien sûr mais surtout dans l’art. Dans la psychanalyse bien sûr. En fait notre monde est celui de la psychanalyse puisque l’interprétation est un peu la psychanalyse de chaque chose. On se tord et on se met des nœuds au cerveau pour le plaisir d’explorer chaque recoin des choses.

Je me surprends à penser ou situer ce mot interprétation. Est-ce un pas en avant ou un pas en arrière ?

Moi quand je regarde un sapin de noël, j’y vois des branches, des décorations. Alors après oui je m’attendris sur la couleur mordante vert hivernal, sur les souvenirs de cette odeur qui envoutent mon nez, mais cela reste dans la case sensation et mémoire. Je peux le contempler sans me tordre le cervelet sur la signification de cet arbre : cet arbre est, mais en fait il serait un autre, et dame nature a voulu lui donner une autre signification ? Non, juste la paix du crâne sur la contemplation.

Si on me demande d’interpréter un œuvre ou un poème, je serai la première à me livrer à cet exercice avec passion et surement à aller chercher des sens qui vont plus loin que la raison. Pour ça je me fais confiance. Mais en y réfléchissant n’y a-t-il pas du grotesque la dedans ?

Avant on dessinait, on peignait pour la beauté des êtres, du monde et on illustrait les sens.  Les formes étaient posées et croquées pour leur harmonie, chaque chose était représentée pour ce qu’elle était. Il y avait bien sur une intelligence, un code et un sens à l’art mais pas vraiment d’interprétation à faire. Les symboles étaient  là, mais avec leur définition et si il y avait quelque chose à trouver alors c’était plus une énigme. Le beau était universel et la laideur aussi. On ne s’amusait pas à trouver dans des immondices de l’humanité, ou de la beauté dans de l’abject, ni encore apercevoir un sein à la place d’un pied ou derrière une bouse de vache un muguet fleuri. Finalement les choses avaient un sens, leur sens en toute intégrité. L’art était l’intelligence concrétisée et pas une fausse intelligence sinueuse tentant de donner tout pouvoir à l’interprétation.

Je m’imagine en train de peindre. Je n’ai aucun talent de dessinatrice, certes cela s’apprend, mais je ne l’ai pas en premier don. Comme je ne sais pas dessiner, alors je peins, mais alors ce ne sont que des couleurs, des formes. Il y a de l’harmonie, de la matière et ma foi cela m’a fait du bien d’assembler ces pigments et d’essayer de faire quelque chose de frais qui ne jure pas et cela m’a vidé la tête.  Par contre il n’y a aucun sens  derrière mon tableau, juste la volonté de tenter une harmonie avec ce que j’ai sous la main un peu comme faire un beau bouquet que, personne n’interprétera.

Un mois après, une amie de ma mère galeriste, tombe en arrêt devant ma peinture et veut ma toile à tout prix pour sa prochaine exposition Elle m’explique que j’ai de l’avenir dans le milieu de l’art.

« Ah bon. Si ça peut remplir mes poches… »

Quelques semaines plus tard, l’exposition a lieu, j’y vais pour m’amuser et là,  je reste bouche-bée, on a donné un titre à ma peinture : Orgasmicobonheur.

Re : « Ah… »

Sur le livret de l’exposition, un critique d’art a écrit un petit topo sur mon œuvre Orgasmicobonheur : « créer c’est aller au-delà du paraitre. L’artiste nous envoute par la force extraordinaire du positivisme. Ses mains et son âme ont touché le ciel du bien-être, venez contempler la tranquillité de l’être ».

Re re : « Ah… euh bien être ?»

Je repense  à  ce jour-là : je m’étais cloisonnée dans la cave, une cigarette au bec toute les secondes avec une haleine de crotte séchée, je venais de me faire recaler à examen ; le nez coulant et les yeux bouffis, un gros sandwich à la mayonnaise à la main et le pinceau de l’autre je chantonnais « oh by myseeeeeelf » en m’imaginant sombrer dans les remous de la Seine avec cette auto nostalgie qui se complet dans tristesse mais est ravie de se donne un air à la Bridget Jones. Je crois bien d’ailleurs que je vois là, sur ma peinture, un reste de mayonnaise luisante dans le coin. Bonheur ? Oh oui je respirais le bonheur ce jour ci ! Mais chut l’artiste lui-même ne connait pas le sens de sa créativité !

Assise sur un banc dans le grand hall de Montparnasse, attendant un train en plein courant d’air, l’attente devient moins longue en contemplant un parfait tableau : un chérubin de quelques mois nourrit au sein par sa maman, une belle quadragénaire au teint de porcelaine et aux yeux noirs.

C’est beau et attendrissant. Mais tout d’un coup derrière elle, une ombre apparait, un grand barbu au poil gris qui me désigne du doigt cet enlacement maternel : une vilaine petite sensu qui suce le lait de sa maman comme un filou. On le regarde comme un être innocent alors que là, sous nos yeux, il est en train de vivre ses premiers émois sexuels et sensuels. Freud ricane derrière la jolie dame. Vexée je me retourne, mon attendrissement gâché par cet affreux barbu et ses interprétations créées par ses propres frustrations. Interprétation tu commences par me chauffer les oreilles.

(…) peut-être il y aura t il une suite mais pour le moment je souhaite que l’on interprète comme tout et son contraire ce que je viens de dire: attention si ça se trouve ce billet est en fait tout le contraire du premier sens!

  • ahah je ne pense pas qu'il y ait grand chose à interpréter ou alors tout l'interpréter parfois les pensées vont et viennent, serpentent... juste s'amuser et se laisser porter...j'aime le mot trousser. Anna: oui il y a des coquilles! Et nouvelle sur le site je n'arrive pas a modifier le texte il faut que je trouve...le petit bouton...

    · Il y a presque 12 ans ·
    Macaron 500

    orlov

  • Quelques petites coquilles... Sinon, le texte se lit tout seul, même si je ne suis pas adepte de ce genre, je me suis laissée emporter.

    · Il y a presque 12 ans ·
    1545731127 54

    Anna Combelles

  • je suis pas sur de très bien interpréter cet écrit (joliment troussé, ce qui ne gache rien) ;oD

    · Il y a presque 12 ans ·
    Schema grand 500

    Uigiugig Yjfyuf

  • Vive l'art contemporain...il sauve les mauvaises dessinatrice qui se sauvent par le tachisme! :p

    · Il y a presque 12 ans ·
    Macaron 500

    orlov

  • Au fait, je dessine, je calligraphie, mais peindre, je ferais plutôt tachisme, car je ne suis pas douée.

    · Il y a presque 12 ans ·
    Moi

    Yvette Dujardin

  • merci Yvette! Vous avez vous même un joli nom qui laisse l'esprit vagabonder dans des verts frais et la fraîcheur d'un été qui peine a pointer son nez ... encore cette rusée interprétation qui emmène le cerveau dans des contrées imaginaires ! :p

    · Il y a presque 12 ans ·
    Macaron 500

    orlov

  • Superbe, une chronique au vitriol, ou l'interprétation prend sa forme première, l'idée que chacun peut se faire sur un objet, un mot, un tableau, quoi que ce soit...quelqu'un l'interprète, en bien ou en mal! Encore bravo, et à bientot!

    · Il y a presque 12 ans ·
    Moi

    Yvette Dujardin

  • Oui il faut avoir le cerveau un peu en off et la tête reposée pour le lire :) C est une chronique sur le ton de la satire mais un texte écrit plus par amusement que serieusement..a prendre au serieux ou pas!

    · Il y a presque 12 ans ·
    Macaron 500

    orlov

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