Thé matinal

Tu m'attends.

Je sais que tu m'attends.

Tu m'as donné rendez-vous.

J'ai accepté ce rendez-vous.

Tu es là, présente, fidèle, un thé fumant à la main.

Tu regardes le soleil se lever sur la mer en me cherchant du regard.

Tu te demandes si tu vas me reconnaître.

Tu te demandes si je vais te reconnaître.

Tu sais au fond de toi que nous nous reconnaîtrons au premier coup d'œil, et cela te fait sourire.

Tu balaies d'un revers de main le doute qui pointe le bout de son vilain nez et essaie de te dire que je risque d'être déçu par toi. Toujours ce manque de confiance en toi. Mais là, non. Tu sais intuitivement que cette inquiétude est juste … hors de propos.

Une heure se passe et je ne suis pas là. Il est temps de rentrer.

Le rendez-vous fixait heure et lieu, pas jour, tu reviendras demain.

Le lendemain tu es là, présente, fidèle, un thé fumant à la main.

Tu regardes le soleil se lever sur la mer en me cherchant du regard.

Le lever de soleil est magnifique, il ne manque qu'un petit rien pour qu'il devienne magique : moi. Mais je ne suis pas là. Un peu déçue, et vaguement agacée, tu reviendras demain.

Le lendemain tu es là, présente, fidèle, un thé fumant à la main.

Tu regardes le soleil se lever sur la mer en me cherchant du regard.

Et je ne suis pas là.

Et je ne viendrai pas.

Je savais que tu étais là, et je ne suis pas venu.

Je savais que tu m'attendais, et je ne suis pas venu.

La conscience de ton attente fut torture.

Tu connais le pourquoi.

La mère en toi comprend et pardonne.

L'épouse en toi préfère voter blanc.

La femme libre en toi me traite de tous les noms.

L'amie en toi dit simplement : il n'y a rien à pardonner, c'est juste dommage, l'occasion était belle. Celle-ci est passée, une autre se représentera, sans contrainte, mais peut-être sans la mer...

J'ai dû fait quelque chose de formidable dans une autre vie pour mériter ton amitié dans celle-ci...