The place to be

Chère moi,

           Oui toi, là, la nana assise devant son écran d'ordinateur toute la journée à pondre des trucs sur un pack office 2007. Tu vas regarder un peu autour de toi à un moment ? Non ? Cool la vie ?

      Oui chouette la vie, c'est évident puisque tu n'as qu'un seul crédo : tu adores, que dis-je, tu aimes la vie parisienne. A peine arrivée à la capitale, tu crânais auprès de tes potes et de ta famille. Ouais j'ai réussi ma vie :  je suis à Paris.    Paris les gars !

     Et blablabla à moi les expos permanentes et temporaires, mais si, celles qui s'arrêtent quand tu as enfin réussi à motiver trois potes à venir avec toi !  A moi les pièces de théâtre dont parle William Leymergie à Télé-Matin depuis que tu es toute petite et que tu ne peux pas aller voir car tu vis à la campagne. Mais aussi à moi les troquets, les resto Thaï,  les boites de nuit, les taxis jusque 6h du matin, les marchés, les concerts, des tas d'associations cool, des nouvelles rencontres, le job de ma vie.  Toussa toussa. Paris les gars !

Regarde bien…

Quatre ans plus tard tu n'as toujours pas foutu les pieds au musée d'Orsay.  La première fois que tu t'es décidée à visiter le musée du Louvre c'était il y a six mois parce que tu es passée devant par hasard et que ô miracle il n'y avait pas trop d'attente.  Les restos et les troquets ? A 8 euro la pinte et ton salaire de débutante, tu as vite compris que tu ne feras JAMAIS le  tour des bars avant 2077. Pour le pouvoir il faut courir les happy hours et toi c'est happy work à cette heure là…  Les concerts, les expos temporaires, les cinés avec des « avant première » ? Tu détestes le concept de faire la queue pour acheter un ticket et faire ENCORE la queue pour entrer quelque part. Les potes ? Depuis que tout le monde est en couple… Et qu'en plus ils se mettent à faire des bébés...
Bon il te reste le job de ta vie, celui pour lequel tu es arrivée dans cette ville. Mais parfois tu te demandes quand même s'il existe vraiment quelqu'un sur cette terre passionné par Excel.

Le weekend, tu prends la poudre d'escampette et tu pars « en province ». Ce mot là tu le détestais et pourtant il est devenu tien. Quand tu dis « province », tu parles de ton chez toi, de la fameuse « maison à la campagne en Normandie » dont rêve tes collègues. Au boulot, tu aimes parler d'où tu viens, de la nature, de l'andouille (de Vire pas de Guéméné, soyons sérieux), des fleurs des champs, du prix du lait.

Tu ris car tu n'aimes pas le lait.

Et pour une  soit-disant fan de la campagne,  tu es bien incapable de reconnaitre une pomme court-pendu d'une claque-pépin.

Tu mens. Avoue qu'en plus, tu viens juste d'apprendre le nom de ces sortes de pommes en cherchant sur le net et ça t'a bien fait marrer de les mettre ici, mais qu'au fond, tu n'y connais vraiment rien en variété de pommes !

Mais ce n'est pas grave, tu as un ailleurs, un chez toi, plus grand, plus vert, où contrairement à tes collègues, tu peux fuir la pollution, le métro, les gens, faire ta misanthrope quoi. Et puis être misanthrope c'est so parisien non ? Quelle vantarde tu fais !

Tu persistes et signes, tu clames à qui veut l'entendre que Paris c'est  The place to be, que si tu n'y es pas, tu vas manquer ta life. (oui tu parles en anglais dans ces moments là, c'est ridicule mais tu ne peux pas t'en empêcher). Et puis n'oublie pas : tu as fuis comme la peste la province  par peur d'y mourir enfermée dehors. Alors oui c'est le bon choix.

Regarde mieux….

Aujourd'hui, tu fais moins la maline à utiliser ton WORD pour peser des mots. Cela s'avère un tantinet plus compliqué qu'un EXCEL où l'on te demande de poser des chiffres dans des cases. Bah oui, les tableaux croisés dynamiques c'est ton quotidien au travail, de vrais chefs d'oeuvre mathématiques. Sont ils en train de t'aveugler? Tout  ça n'est il pas une vaste fumisterie ? 

Please mind the gap between the train and the platform.

On dirait que le filtre « parisien »  flanqué devant tes yeux depuis longtemps ne fait plus beaucoup effet. Change-le par « Va-Voir-Ailleurs » et redis-moi dans quelques années comment c'est, la vraie vie.   J'espère qu'on sera sur la même longueur d'onde cette fois.

Bisous.