Théâtre… Non pas ça, pitié !

Hervé Lénervé

Mes amis me disaient, pourquoi t’obstines-tu à vouloir encore écrire des pièces, tu as le talent d’un hareng. Tu vas finir par avoir un procès pour acharnement théâtral.

M'en fous, j'ai encore soudoyé mes comédiens pour monter ma pièce dans un théâtre conventionné par les pompiers du désert de Gobi. Maintenant mes comédiens ont un peu vieillis, sauf la petite Marie qui ne vieillit jamais, ils sont un peu rouillés faute de ne pas jouer, sauf la p'tite Marie qui s'entraîne régulièrement dans un peep-show. Maurice est sujet à des trous de mémoire et il est dur de la feuille de choux.

PAN ! PAN ! PAN ! (un mort, un blessé, un raté.)

Le rideau ne se lève pas, car j'ai dû le revendre pour mon argent de poche. Maurice entre en scène dans un décor minimaliste, une chaise paillée, une autre chaise dépareillée, une table authentique, mais authentique à quoi ? Il s'assoit dans le noir, car je n'ai plus d'éclairage, le public allumera ses smartphones. La petite Marie entre à son tour, elle est entièrement nue.

Moi – Marie, ton costume de scène ?

La petite Marie – Je ne le mets pas pour les répètes, de toute façon, on ne voit rien avec ta malheureuse bougie.

Moi – Bon ! Allez, on commence, acte I.

Maurice – Non ! Je commence par l'Acte II, car j'ai oublié d'apprendre le I.

La petite Marie – Ah, parce que tu apprends ton texte, maintenant !

Maurice – Ta gueule, salope !

Moi – Bon, vous avez fini tous les deux ! On peut commencer ? Oui !

Maurice – C'est elle, qui a commencé ! Elle m'a traité de petit sexe !

Moi – Texte, ton texte, ça ne s'arrange pas ton audition, bon, il y a le souffleur, il est là le souffleur ?

Le souffleur – Bien-sûr, je suis là, mais on ne me voit, car je suis tombé dans la fosse quand j'étais petit.

Moi – Ok ! C'est parti ! Pas trop tôt !

Le souffleur pour Marcel – Tu ne risques plus rien ici, Marie ! Je veille et l'enceinte nous protège des bandits.

Maurice – Tu ne risques plus rien ici, pardi ! Cette vieille femme enceinte nous protège des dandies.

Moi – Non ! Ça ne veut rien dire, ce n'est pas le texte !

Maurice – Bon ! Ça veut dire autre chose, mais ça veut dire, quand même, même si ce n'est pas le sexe.

Moi – Maurice, tu prononces mal « texte » on entend « sexe » comment prononces-tu « sexe » alors ?

La p'tite marie – Moi j'aime bien sa prononciation !

Maurice – Comme tout le monde, quand je batifole avec la Germaine, je lui dis : « Prends-moi le texte à deux mains et apprend-moi le sexe, je joue demain »

Moi – Ok ! C'est simple quand tu veux dire « Texte » pense à « Sexe » Et quand tu veux dire « Sexe » ne le pense pas… ne le dit pas, c'est mieux.

Maurice – Si je pense à sexe pour dire texte, je vais bander comme un aqueduc !

La p'tite Marie – Alors, là, ça m'étonnerait, espèce de prétentieux présomptueux de vanité érectile.

Maurice – Ça limite mon répertoire, je ne pourrai jamais jouer dans les pièces de la p'tite Marie.

La p'tite Marie – Je n'écris pas de pièce, moi !

Maurice – Ah, ce n'était pas une répète, alors ?

Ben Moi – Ben non ! Allez, faites ce que vous voulez, moi, j'me barre ! Mes amis avaient raison, j'abandonne le théâtre, je vais me remettre à mon canevas au crochet n°8, représentant, un représentant en appareils ménagers faisant le bouche à bouche entre les jambes d'une ménagère de plus de cinquante ans, c'est plus dans mes cordes à linge.

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