Tiana et le coeur des lampadaires

     Tiana n'avait que sept ans quand le soleil décida de se cacher. Les humains ne respectaient pas la lumière. Ils dérangeaient la sieste des lampes et des ampoules pour un oui ou pour un non. Le soleil, qui était le père de toutes les lumières, se fâcha et décida de tomber dans un profond sommeil en tirant sur lui le grand drap noir de l'univers. Il n'y eut plus de jour. La nuit était totale ; on ne voyait plus rien. Tous les gens rentraient dans les murs et se faisaient plein de bleus. Le papa et la maman de Tiana avaient beaucoup de bobos à force se cogner les genoux contre les meubles. Mais pas Tiana, car elle était aveugle de naissance. Elle vivait dans le noir depuis son plus jeune âge.
Une nuit qu'elle dormait, une voix étrange la tira de son rêve. Elle n'avait jamais entendu une voix comme celle-ci.
- Tiana ? Nous pouvons faire revenir la lumière ! dit la voix.
- Mais qui êtes-vous ? demanda Tiana.
- Je suis ton coffre à jouets, pardi ! Touche-moi pour vérifier, proposa le coffre en s'approchant de la petite fille.
Tiana promena ses doigts sur l'objet en bois. C'était bien lui ! Mais il semblait un peu plus haut que d'habitude. Et puis, comment était-il arrivé jusqu'à son lit, puisqu'il n'avait pas de roulettes ?
Alors, elle descendit ses mains plus bas. Elle toucha de grosses pattes poilues. Tiana eut peur, car son coffre n'avait pas de grosses pattes poilues.
- Ce sont mes pieds ! jura le coffre. Ils ont poussé cette nuit pour que je puisse t'aider. Grâce à eux, nous voyagerons jusqu'à une planète remplie de lumière. Entre à l'intérieur de ma bouche !
La fillette pensa à ses parents et à leurs genoux tout bleus. Elle se leva et entra avec précaution dans son petit coffre à jouets. Ensuite, elle entendit le couvercle se refermer.
- C'est parti ! Hi ! Hi ! Hi ! dit le coffre en riant.
Quelques instants plus tard, il y eut une secousse.
- Nous sommes arrivés, annonça le coffre. Va parler aux êtres en face de toi. Ils te donneront leur lumière.
Tiana sortit du coffre en bois. Cette planète inconnue était pleine de bruits métalliques. L'air était très doux et ça sentait le fer.
- Bonjour, lança-t-elle. Je m'appelle Tiana, je viens de la Terre. J'ai besoin d'un peu de votre lumière.
- Nous t'attendions, répondit une voix haut perchée. Notre lumière ne t'éblouit pas trop ?
- Non, je ne vois rien. Je ne sais même pas à quoi vous ressemblez !
- Nous sommes des lampadaires ; l'unique lumière qui brille encore dans l'espace.
- Des lampadaires !? s'étonna la fillette. Tous ceux qui sont sur notre planète se sont éteints.
- Nous ne sommes pas comme eux. C'est notre cœur qui donne de la lumière et jamais il ne doit s'éteindre.
- Comment vais-je ramener votre lumière sur Terre avec moi ? Je ne vais quand même pas prendre votre cœur ? interrogea-t-elle, embêtée.
- Nous te confierons trois de nos fils. Ils sont encore petits et pourront voyager dans le coffre avec toi. Mais pour que leur cœur soit toujours brillant, les humains devront leur chanter de jolies chansons et leur raconter des tas de blagues rigolotes.
Tiana prit le grand lampadaire dans ses bras pour le remercier et rentra sur Terre avec les trois petits lampadaires. Quand les lampadaires étaient heureux et joyeux, leur cœur se gonflait et donnait un fantastique halo doré.
En les élevant, les humains espéraient regagner la confiance du soleil et le tirer de sous sa sombre couette. Tiana, quant à elle, s'était trouvée trois nouveaux amis grâce auxquels ses parents avaient moins de bobos aux jambes.