Toc toc tic

Je l'avais vue arriver de loin. Il faisait si sombre, et pourtant la forme de son corps se détachait des autres, et quelque chose d'étrange, de fort s'en dégageait. Elle était petite, insignifiante dans ce grand monde, et pourtant à la vue de sa silhouette au loin, des frissons parcoururent mon dos. Elle avançait. Elle avançait, simplement, fixant le monde droit devant elle. Son pas était si assuré qu'il en aurait fait trembler un mort enfouit tout au fond de sa tombe.

Toc toc toc faisait le bruit de ses talons sur le sol.

Toc toc toc.

Son dos était droit, tellement droit qu'on aurait dit qu'elle sortait tout droit d'une rêve. Ou d'un cauchemar. Comme le grand méchant loup qui veut absolument vous croquer, et qui finira par y arriver, quoi qu'il arrive, où que vous vous cachiez.

Toc toc toc, encore.

Toujours aussi déterminée. On ne voyait pas son visage à cause de l'ombre. Elle était différente, personne n'aurait dit le contraire. Elle attirait tous les regards, si minuscule soit-elle.

Toc toc toc, tout le monde se tournait vers elle. La seule parcelle de lumière de l'endroit se concentrait sur elle, comme si cette incroyable personne attirait chaque chose vers elle. Non pas vers son corps, parce qu'elle n'était pas spécialement bien modelée, mais vers elle, vers la personne qu'elle était. Tout simplement puissante, comme si cet être minuscule écrasait chaque esprit qui l'apercevait.

Et puis je vis son visage.

Et toc, toc, toc, toc et toc.

Plus rien ne comptait. Ses yeux me détruirent. Ils firent tout exploser sur leur passage, réduisant à l'état d'un enfant chaque personne qui les croisaient. Ils n'étaient qu'un mur impénétrable.

Et ce regard rendrait chaque personne sur cette terre impuissante. Et toc, toujours ce toc, toc et toc. Impossible de l'arrêter, il tournait dans ma tête ; et je suivais ses pas du regard. Elle avançait, droite, toujours tout droit.

Irréelle.

Le bruit de ses talons sur le sol broyait mes tympans. Et ses yeux, ses yeux qui ne cessaient d'avancer, faisant tout voler en éclat sur leur passage. Plus on l'observait, plus l'on comprenait qu'aucun obstacle ne l'arrêterait jamais. Plus on l'observait, plus il était dur de la lâcher du regard. C'était comme si elle nous avait attrapés d'une main de fer et ne cherchait plus qu'à nous briser en mille morceaux. Elle souriait, de ce drôle de rictus qui parcourait ses lèvres. La victoire, la domination et la puissance faisaient sa force. Elle se délectait de nous voir perdus et terrifiés.

Et toc toc toc toc ne cessait de tourbillonner dans ma tête. J'entendais à présent chacun de ses cris de rage imaginaires, chacune de ses envies de victoire. La dureté qui la recouvrait toute entière résonnait en moi.
En refrain.

Inarrêtable.

Et lorsque la traversée fut presque finie, lorsque nos regards allaient enfin être délivrés, marqués à vie par cette rencontre..

Toc toc tic.

Imperceptible, si imperceptible que personne ne le vit.

Personne sauf moi.

Son regard se tourna vers moi. Et je vis.

Je vis dans ces yeux, traverser

Furtivement

Doucement

Tic

Un éclair, une fraction de seconde

Si douloureux.

Une lame qui la perçait. Une lame invisible qui l'avait rongée et détruite. La plus forte des douleurs qui existe. La douleur qu'aucun être vivant ne supporterait.

Une douleur qui l'avait rendue inhumaine.

Et de nouveau toc toc toc.

Toc toc toc.