Topo

  Voilà le topo : je m’appelle Lan-Kim Cheng, et j’ai 15 ans. Je vis au Japon dans un petit appartement, avec mon père, Dong Cheng, et mon frère, Hien Cheng. Nos trois noms sont d’origine vietnamienne, puisque nous sommes tous les trois nés au Vietnam. Cependant, un jour, mon père a décidé de partir au Japon démarrer une nouvelle vie, je ne sais pas vraiment pourquoi. Je crois que je suis la raison de ce déménagement. Il faut dire qu’au Vietnam, les femmes n’ont pas un rang très élevé dans la société, et il n’est pas rare que l’une d’entre elles, d’entre nous, se voit attribuer un mari de force entre 18 et 20 ans sous prétexte qu’elle est vierge, belle – je n’aie pas la prétention de l’être spécialement, mais je ne suis pas laide non plus – et jeune. Je pense que mon père a voulu m’éviter d’avoir une vie qui ne m’appartiendrait pas.  

  Comme vous avez pu le constater, ce dernier n’est pas mon père biologique, mais adoptif. Ce qui n’est pas le cas de Hien, lui étant son fils biologique. Seulement, pour moi, pour nous, cela ne fait pas grande différence : ce ne sont pas les liens du sang qui définissent une famille, mais les liens du cœur, beaucoup d’orphelins l’on compris. Je fais partie d’eux.

  En fait, lorsque je n’étais qu’un nourrisson, mes vrais parents ont eu un accident de voiture, qui leur a coûté la vie. J’étais moi aussi présente sur les lieux au moment du drame, mais j’ai survécu, grâce au courage d’un pompier.

  Si ma mémoire ne se rappelle pas de cet instant tragique – en fait, si : j’ai conservé le vague souvenir d’un immense fracas et d’une main posée sur mes yeux, mais après, c’est le trou noir complet – mon corps, lui, en a gardé des séquelles : si vous me voyiez à cet instant précis, vous remarqueriez avant toute chose la longue brûlure étendue sur l’ensemble de mon bras droit, témoin que j’ai été présente dans un incendie.

  Ah ! et vous pourriez constater, en craquant une allumette près de moi, que j’ai une peur maladive du feu. Les psychiatres que j’ai vu sont formels : cette phobie me vient de l’accident dans lequel je me suis trouvée presque 15 ans auparavant. Hien préfère dire que c’est un vieil instinct animal qui refait surface, et qui me pousse à m’éloigner d’une flamme dès que j’en vois une. J’aime mieux cette théorie.

  Tout à l’heure, j’ai dis que je pratiquais des arts martiaux. Je vous imagine déjà, pensant « chouette, un remake de Jacki Chan ! » Navré de vous décevoir – bien que moi aussi j’adore cet acteur – mais je ne suis pas aussi douée que lui. Certes, je suis rapide et agile, probablement grâce à ma petitesse, mais je ne passe pas mon temps sur des toits d’immeuble, à me battre contre toutes sortes d’adversaires plus redoutables les-uns que les-autres. Je pratique ce sport pour évacuer mon stress. Vous devriez essayer, les sports de combat, il n’y a rien de tel ! Vous voyez, en ce début d’année, je n’étais pas si différente de vous.

  …

  Si seulement cela pouvait être encore le cas.