Touche à Touche Part 6

Mini Pouce

La semaine suivante, je m’enfonçais de plus en plus dans ma douleur, je tentais de faire bonne impression devant le reste de ma famille, et je crois que personne n’avait remarqué quoi que se soit. Il y avait bien sur mon mari, toujours présent, il sentait ma douleur, mais il suffisait que je lui réponde que tout allait bien pour qu’il cesse d’insister.

De toute façon je n’avais pas envie de partager mes peines avec lui, je n’arrivais pas à m’empêcher de penser à Jimmy et son côté rassurant. A vrai dire je m’étais sentie bien chez lui, et dans ses bras plus rien ne semblait m’atteindre.

J’avais l’impression d’être enfin moi-même quand j’étais en sa présence, et ces derniers jours la tension était  si lourde que je ne savais plus où me réfugier à part dans sa maison. J’ai donc décidé de prendre la voiture en direction de chez lui, alors que nous n’avions pas de rendez-vous, je ne savais pas trop ce qui m’attendait là bas, ce que j’aurais pu voir, avec qui il serait, mais peu importe, au pire j’aurais pris l’air.

Lorsque j’ai sonné, il n’y a pas eu « d’entrez ! », il ne m’attendait pas et je le savais, mon cœur battait la chamade à l’idée de le voir ouvrir cette porte, ou plutôt de le voir me refermer la porte au nez.

Il n’a pas mis longtemps à arriver et ouvrir la porte, qui n’était toujours pas fermée à clef, il portait une chemise bleue clair qui n’était pas fermée, on pouvait voir son t-shirt blanc en dessous, il avait retroussé les manches de sa chemise, comme pour être plus à l’aise dans ses mouvements. Il avait un jean mais pas de chaussure aux pieds, ce détail m’a fait sourire, je l’ai imaginé se forcer à en mettre à chaque fois que je me rendais chez lui pour un cours de piano.

Il n’a pas eu l’air surpris en ouvrant la porte et encore moins de voir mon petit air de chien battu, il ne manquait plus que la pluie pour rendre la scène encore plus mélodramatique.

A son regard j’ai compris que je ne le dérangeais pas, et que même il devait surement m’attendre, peut-être pas aujourd’hui mais il savait que je reviendrais, que j’avais maintenant besoin de lui. Il m’a tendu les mains comme pour me faire signe, me montrer que ses bras étaient accessibles et que je pouvais venir m’y réfugier.

Je n’ai bien sur pas hésité longtemps avant de m’y jeter, j’étais complètement perdue et il était là comme pour me maintenir encore droite, me servir de pilier. Nous sommes restés un instant ici sur le pas de la porte, jusqu’à ce qu’il me propose de rentrer à l’intérieur, j’y retrouvais tous les meubles et tous les livres qui m’inspiraient et me donner l’impression d’être aussi chez moi. Si j’avais vécu seule, ma maison aurait très bien pu ressembler à ça aussi, une sorte de bordel organisé, ou ma vie se ferait entre les livres que j’aurai lu et ceux qui m’attendent, des verres de vins qui pourraient trainer un peu partout comme exposés là.

Je me suis jetée sur le canapé et il s’est tout de suite assis à mes côtés.

-          Je ne vous propose pas un cours, je crois que je n’ai pas de place disponible aujourd’hui, mais je peux vous proposer autre chose !

-          Ah oui ? Vous auriez des solutions à proposer ?

-          Non ça pas vraiment, à vrai dire je ne suis jamais de très bon conseil, mais laissez moi quelques minutes pour finir de me préparer, et nous partons.

Je n’ai pas osé poser plus de questions, il avait finis de mettre ses chaussures et moi je n’ai même pas eu le temps de retirer ma veste, nous avons pris sa voiture, il n’a pas demandé si je souhaitais faire autre chose, il prenait tout en main, je me laisser guider, comme si je glissais sur l’eau et qu’il menait la barque, j’adorais ça, pour une fois je n’étais pas maître des choses, et le capitaine de mon navire semblait sur de lui.

Nous sommes arrivés au grand théâtre de notre ville, une magnifique salle de spectacle pouvant accueillir près de  1200 spectateurs, ce lieu avait été refait il y a quelques années, depuis le modernisme de l’architecte était un succès, la salle se fondait parfaitement dans le décor de la ville, tout en étant très design. En réalité il s’agissait d’une ancienne usine qui avait été réutilisé, c’était en même temps le symbole de toute une époque industrielle, qui se transformait pour devenir aujourd’hui l’emblème de la culture.

Nous sommes entrés par la petite porte de derrière, il n’y avait aucun doute qu’il connaissait très bien le lieu et que surtout tout le monde l’appréciait. Il salua deux-trois personnes, quelques poignées de mains, et moi qui derrière suivait timidement, j’esquissais des « bonjour » un peu timide.

Nous sommes justement arrivés dans la salle de spectacle, tout était vide, on pouvait en contempler encore plus toute l’immensité, tous ces sièges inhabités.

-          Vous avez l’embarras du choix, quel siège ?

Après avoir mesuré encore une fois l’espace devant moi, j’ai décidé de choisir des sièges proches de la scène et bien au milieu, des places de premier choix quand on est devant un spectacle.

Depuis notre arrivée, j’entendais les instruments qui résonnaient dans la salle, certains s’accordaient d’autres répétaient. Nous allions assister aux répétitions d’un concerto pour piano et orchestre.

Je pense qu’il devait connaitre la pianiste qui allait jouer, il est pourtant resté discret et nous sommes restés assis l’un à côté de l’autre pendant toute la répétition, sans un mot, juste ma main dans la sienne. Ma vision ne cessait d’être brouillée par l’afflux de larmes dans mes yeux, l’effet de la musique a toujours tendance à m’attrister, en fait c’est plus compliqué que ça, je ne suis pas triste mais simplement remplie d’émotion, je dois déverser ce trop plein parce que je me laisse trop vite submerger par la musique.

A la fin il n’a pas dit un mot de plus, nous sommes repartis dans le silence, toujours main dans la main. Il m’a déposé chez lui et je suis repartie chez moi avec ma voiture.

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