Toucher le fond

lune-noire

"J'ai touché le fond. Ca veut dire que je ne peux pas tomber plus bas que ça"

  J'ai touché le fond du lac. Soupir. Bonheur. Liberté.

  Je respire. Coulant dans une eau qui ressemble à de l'encre, sale, grise. Je bouge les bras, mes cheveux vacillent, les algues se prennent dedans, et mon corps, pesant, tombe au fond de ce lac.

  Personne ne sait. Personne ne saura jamais.

  J'emporte avec moi des doux souvenirs. D'abord des rires heureux qui s'affichaient sur nos visages angéliques et amoureux. Tes yeux bleus dans mes yeux verts. Tes mains mates dans mes cheveux bruns. Ton front collé sur le mien. Mes lèvres carmin sur les tiennes, rosées, parfois abimées par les violents coups de vent.

  Je laisse couler avec moi, toutes ces nuits trop courtes et bien trop magiques. Où les draps flottaient sur nos corps emplis de désir. J'ai la sensation encore, de tes bras autour de mon cou, qui me serraient si fort, m'arrachant parfois à mon léger sommeil. Et même si tes doigts aguicheurs le long de mes côtes semblaient me mettre dans un état d'euphorie, mieux vaut crever. Et couler une histoire déjà fanée.

  J'ai le souvenir de notre première rencontre. Du regard que tu as posé sur moi, doux, et sensationnel. Je sens encore le goût de la pomme d'amour qu'on a croqué ensemble. Et nos mains entremêlées dans la grande roue, nos caresses et nos promesses. Nos mots doux, d'amour, nos rêves. Je me souviens de tout, mais j'emporte tous nos souvenirs. L'univers pourra bien se morfondre de ne plus les avoir en sa possession.

  Et toi. Toi, tu vivras comme si rien ne s'était jamais passé. Comme si j'étais un grain de sel, dans le salar d'Uyuni, comme si je n'avais été qu'une goutte d'eau s'échappant de ton œil. Laisse-moi couler encore, jusqu'à toucher le fond.

  Toucher le fond, pour prendre toute la force de revenir en surface. Encore.



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