Tout ce qu'on ne peut pas faire tout seul

Tout ce qu’on ne peut pas faire tout seul

                                                                                                                      Comme par exemple se regarder le visage, ou se voir de dos. Pas par l’intermédiaire d’un ou plusieurs miroirs, non, je veux dire, en direct, comme on peut regarder sa main (quand on en a une bien sûr, ce qui n’est pas à la portée du premier manchot venu), ou le pied, si l’on est assez souple pour s’approcher jusque là alors que la vue, de loin comme de près a considérablement baissé.

Certains se résignent : quand on demandait à Aragon si ça le gênait de ne pas pouvoir bander complètement, il répondait, non. Pas plus qu’il ne me gêne de ne pas pouvoir porter un piano à moi tout seul. Ça, pour moi, c’est de la philosophie, où je ne m’y entends pas.

            Une autre chose que je ne vous conseille pas de faire, si vous n’êtes pas soucieux de tenter d’outrepasser vos possibilités physiques, c’est d’essayer, avec l’aide d’un simple couteau, de vous trancher la carotide vous-même. Un mien ami chirurgien algérien m’a avoué un jour qu’il avait vu dans son hôpital, des candidats au suicide par cette voie, et s’en être très mal trouvés, car… La carotide n’est pas si sotte que cela, elle tient à la vie, et opère, pour sa survie, un transfert à vitesse grand V d’elle-même, à l’extrême arrière du cou. Ce qui fait que le pauvre impétrant se voir fort privé de ses activités habituelles, mais entend, vers l’arrière de son cou béant, le ricanement satisfait de sa carotide, qui lui souhaite bon courage pour la suite des opérations.