Tout est écrit dit-on.

Christophe Hulé

Tout est écrit dit-on, alors à quoi bon vivre, quoi que je fasses, quoi que je dises, c'est d'un ennui !

Les misères , les bonheurs, seraient donc consignés dans quelque registre par ces gueux en mitaines et bonnets de nuit, à la Dickens.

Si le sort est jeté d'avance, à quoi bon naître ?

Les petites mains se penchent sur les montagnes de dossiers, comme ces usines souterraines, des millions de couturières, des millions de damnées avant l'heure.

On envoie nonchalamment tel et tel au Purgatoire ou en Enfer, comme on sexe les poussins, les autres seront traités en cadence, la productivité, et parfois quelques crises, font durer l'agonie.

On ne traite pas des milliards comme dans les entreprises familiales.

Les dividendes ne sont plus ce qu'elle étaient.

Place au profit, si ça rapporte rien, alors à quoi ça sert ?

Des syndicats d'outre tombe s'offusquent pour la forme, de vieux réflexes, comme la grenouille disséquée ou la queue du lézard.

Les laboratoires du néant continuent de tourner, c'est ça ou perdre les subventions.


- Mesdames, Messieurs, nous ne sommes pas réunis ici que pour le buffet à venir, enfin j'ose le croire.

J'ai conscience de vous choquer par cette introduction, comment dire, peu affable.

Je n'ai aucune envie d'être aimé, je n'ai rien à vendre.

Nos « clients » se sentent floués, autant dire qu'ils n'ont pas tort, et autant ne pas leur dire, je pense que tous ici me comprennent.

Soyons inventifs pour éviter toute explosion, enfin tout bordel qui nous échapperait, il faut faire croire que l'on jette du lest, vous me suivez ?

Des questions ?

- Oui, Taleq, de la planète des Songes vous pensez vraiment qu'il vont mordre à l'hameçon ?

- Merci Taleq pour votre question, voilà des millénaires que je sévis, et croyez-moi ça marche.

Oui, vous au fond.

- Mon … je ne sais comment vous appeler, n'étant qu'un pauvre représentant d'une planète perdue.

- Bon, abrégez je vous prie, votre temps de parole est compté, vous comprenez n'est-ce pas ?

- Bien, je serai bref, vous avez prévu d'anéantir les planètes qui dérangent vos projets, et qui peut dire dans cette assemblée illustre qui sera épargné ?

- Je ne peux accepter …

- Permettez-moi d'intervenir, les « petits », que l'on nomme ainsi pour perpétuer ce qui n'est en somme qu'une  coquille vide, mériteraient d'être entendus, certains affirmant que la justice triomphe toujours, la seule force pourra faire souffrir longtemps, mais ce n'est qu'une question de temps, parfois très long hélas, avant qu'elle ne s'effondre.

- Vous n'êtes qu'un vermisseau, je connais votre descendance, vous ne devriez même pas être parmi nous.

- Vos propos montrent à quel point j'ai raison, gare au retour de flamme, qui veut régner doit d'abord respecter ses sujets.

- Et qui êtes-vous donc pour oser tenir de tels propos en ma présence ?

- Je suis peut-être votre conscience, ou quelque chose d'approchant.

- Gardes, empalez-moi ce gueux, et n'enfoncez la lance qu'avec mesure, qu'il agonise le plus longtemps possible.


- Monseigneur, permettez que j'intervienne.

- Non, pas vous !

- Celui que vous souhaitez empalé sur le champ n'a pas tort.

- Gardes !

- Allons, manquez-vous à ce point d'arguments, ou, oserais-je dire, de courage.

Vos gardes sont des soldats, ils n'ont jamais démérité, et ont vu leurs frères d'armes périr par milliers pour obéir à vos ordres.

- Gardes !

- C'est fini soyez-en sûr, mais vous serez traité comme vous ne l'avez jamais fait pour vos sujets ou vos soldats, j'ose espérer que vous saurez apprécier ce privilège, même si j'en doute.

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