Tout est sous contrôle.

Lawrence Leveque Malle

C'est dans une grande ville du Nord, capitale des Flandres française qu'Alix jeune homme de 24 ans a choisi d'étudier.

Le Droit. Un choix par défaut à vrai dire, même si Alix est un élève studieux et sans histoires. Il s'interroge toujours sur le sens de sa vie. « Pourquoi j'étudie ? De quoi j'ai envie ? » En réalité, il n'ose pas affronter la vie et préfère s'enfermer dans ses études pour repousser le moment ou il rentrera dans la vie active.

Aujourd'hui, Alix se rend à la fac pour rencontrer son directeur de thèse. En retard comme à son habitude, il s'habille en enfilant le premier pantalon qu'il trouve ; un vieux jean troué qu'il possède depuis bien trop longtemps, un t-shirt noir sobre à moitié sec sur son séchoir et le sweat sur lequel son chat blanc Dexter à l'habitude de dormir. Dexter s'étire dérangé dans son sommeil, Alix le caresse, enfile ses baskets et le voilà parti muni de son vieux sac en cuir. « Ne surtout pas oublier les clés ! » Car la porte d'entrée de l'extérieur  s'ouvre avec la clé. Le reste de la résidence fonctionne avec un système de passe, impossible de rentrer sans le passe. 

Vite, il court jusqu'à la station Montebello ! Le métro arrive. Il ne faut surtout pas le rater. Il a déjà 30 minutes de retard ! Il saute dans la rame juste avant le signal sonore et s'accroche à la barre centrale pour ne pas tomber au démarrage du métro.

Alix cherche son casque dans son sac, son Ipod et choisit un morceau de Janis Joplin, son préféré « summertime » en concert live à Woodstock en 1969. Il observe le défilé d'individus au son d'un rythme régulier avec quelques rubatos orchestrés par la voix suave de l'annonce des stations qui couvre le blues de Joplin.

 « Porte de Douai. » Il faut descendre et rapidement s'il ne veut pas commencer l'année avec un professeur de mauvaise humeur.

Première rue à gauche, entrée latérale. Il traverse la cour et bouscule une première année de droit :

-          « Je suis désolé ! Tiens ton livre, excuse-moi encore je suis super en retard ! »

 

-          «  Pas de problème c'est de ma faute je ne regarde pas devant moi. Je suis perdu, tu pourrais m'indiquer où se trouve la BU ?.... »

 

Mais Alix ne prend pas la peine de répondre poursuivant son record de temps entre son appartement et la salle 15 du 3ème étage, pour rejoindre son directeur de thèse.

 

 Premier étage, deuxième étage et enfin le troisième, « j'y suis presque ! », salle 13… 14..15 ! Alix reprend son souffle avant de taper à la porte. Personne ne répond, il toque une deuxième fois.

 

Toujours aucune réponse. Il attrape la poignée de la porte et tente de l'ouvrir mais celle-ci est verrouillée. « Et Merde ! » s'écrie-t-il.

 

Soudain des talons retentissent dans le couloir ; une femme d'une trentaine d'années en talons hauts noirs, jambes nues. Elle est habillée en tailleur beige plutôt court à la limite du provoquant, un rouge à lèvres carmin qui met en valeur ses lèvres, des yeux foncés soulignés de noir  et sa chevelure brune et bouclée, libre sur ses épaules.

 

-          «  Bonjour Alix ! Pardonne mon retard la SNCF est en grève encore une fois.  Je ne m'attendais pas à ce que tu sois encore là c'est parfait ! »

 

-          «  Euh… Bonjour mais je pensais voir Monsieur Skriezack, j'avais rendez vous avec lui à 9h00 en salle…. »

-          «  Il est en arrêt maladie c'est moi qui le remplace. Je suis Mademoiselle Clément. Ça ne vous pose pas de problème j'espère ?»

 

-          « …Euh… nan euh Non Mademoiselle. »

 

 

-          « Parfait, alors commençons ! Entre. »

 

Alix se dit qu'il a de la chance. Pour une fois, il bénit le retard de  la SNCF. Pourtant, il était troublé par le physique provoquant de sa directrice de thèse et se sentait mal à l'aise en sa présence. Alix qui est quelqu'un d'assez misanthrope et secret est surnommé par ses quelques amis « Sherlock » en référence à Sherlock ‘Holmes qui lui aussi est un personnage complexe sans émotions et replié sur lui-même, un véritable automate, une machine à raisonner.

 

Alix et sa directrice discutent du sujet de sa thèse toute la matinée. L'après-midi, il travaille à la BU. A 18h00 il repart. Il enfile son casque, ramasse son sac et prend le couloir en direction de la sortie. « 18h00, Thibault doit être dans le coin. ». Thibault est son meilleur ami, en tout cas la personne la plus présente dans sa vie. Malheureusement, il devait redoubler sa 5ème et avait totalement raté son Master. Alix s'empare de son téléphone portable pour envoyer un texto à son ami et le retrouver ce soir.

 

Le voilà enfin rentré chez lui. Il jette son sac et s'étale sur le canapé où Dexter était encore étendu. « Difficile la vie de chat ! ».

 

Alix sort ses cigarettes de son sac et fume à la seule et grande fenêtre de son appartement. Il observe la vue sur le parc privé de sa résidence ; les lumières extérieures ne sont pas encore allumées malgré la nuit qui tombe déjà  sur la ville. « Tiens ! Ils ont ajouté une nouvelle lumière ? Drôle de design, enfin bref il vaudrait mieux que je fasse un petit rangement avant que Thibault n'arrive ».

 

La sonnette de l'interphone retentit !

 

-          «  C'est Moi ! Tu m'ouvres ?

 

-          « Ouais, tu connais la maison ? N'oublie pas d'atteindre la deuxième porte avant que je ne relâche l'interrupteur d'ouverture ! J'ai la flemme de descendre ! »

 

-          « T'inquiètes pas ! »

 

Thibault arrive au premier étage et frappe à la porte d'Alix. Avant de sortir, les deux amis cuisinent un repas typiquement étudiant, les fameuses pâtes-jambon. Alix n'est pas très bon cuisinier,  à vrai dire, il mange quand il y pense, d'ailleurs ça se voit sur son physique. Malgré sa  grande taille il n'est pas très imposant, plutôt très mince, les cheveux mi-longs  bruns en bataille, seuls ses yeux clairs troublent ses interlocuteurs qui leur trouvent un côté inquiétant et fou.

 

Les deux amis quittent l'appartement, direction l'Irlandais.

 

L'Irlandais, c'est le repaire d'Alix et de ses amis. Un petit bar style Pub avec des vieux canapés en cuir marron, des tonneaux en guise de table et un environnement chaleureux et familial. Pour s'y rendre il faut prendre la ligne jaune, celle qui dessert la station « République Beaux-arts ». Une fois dehors : une place illuminée. En arrière plan, il y a des bâtisses flamandes. Et derrière des fontaines de lumières, le palais des Beaux-arts. Il faut emprunter la rue Solferino pour rejoindre l'Irlandais. Alix et Thibault appellent leurs amies Delphine et Caroline ; rendez vous à l'Irlandais.

 

Alix se rend au bar pour commander les bières et se faufile entre les clients pour trouver une place avant d'aller boire sa bière dehors.

 

Alix et Thibault attendent leurs amies et en profitent pour se raconter leurs rentrées.

 

-          « Déconne, Skriezack est malade ? Sale histoire il est cool ce prof puis tu t'entendais super bien avec lui ?

 

-          « Ouais, j'espère que c'est provisoire. »

 

-          « Tiens ! Bonsoir Alix ! » s'exclame une voix de femme.

 

-          « ….Bonsoir Mademoiselle Clément. » répond Alix surpris.

 

-          «  Je ne savais pas que tu fréquentais ce genre de bar, tu as bon goût. Allez, à bientôt ! »

 

La jeune femme part rejoindre une table dans le fond du bar. Elle avait troqué ses talons contre une paire de converses et portait un jean et un vieux sweat. Une totale métamorphose.

 

-          « La vache sympa la remplaçante, je regrette d'avoir raté mon Master ! »

 

-          « Ouais mais bon. J'aurais aimé avoir Skriezack ! »

 

-          « Ça va, elle à l'air super cool et puis elle est vachement mignonne ! »

 

-          « Tiens voilà Delph et Caro »

 

Alix est ravi de voir arriver ses amies qui coupent court à leur conversation. Il n'était pas plus emballé que ça à l'idée de travailler avec Mademoiselle Clément. Alix a beaucoup de mal à lier une relation avec les gens ; il a besoin de temps pour accorder sa confiance. Mais la nouvelle directrice de thèse avait tapé dans l'œil de Thibault, il s'empresse de le raconter à ses amies.

 

-          « Alors Alix tu t'es fais une nouvelle copine ? » s'exclama son amie Delphine

 

-          «  C'est ma prof pas ma copine. »

 

-          « Elle pourrait le devenir… »

 

-          « Ah non, je ne crois pas ! »

 

-          «  Toujours aussi coincé à ce que je vois, on rigole on sait bien que tu n'es pas du genre à te taper une prof ! Quoi que tu ne nous racontes jamais rien ! »

 

 

Les amis d'Alix aiment le charrier sur le sujet « petite copine ». En effet, Alix préfère les coups d'un soir. Il a l'impression que la vie de couple l'enfermerait dans un quotidien pénible  et des obligations qui dérangeraient sa vie de célibataire endurci.

 

Les heures défilent ; il est déjà 1h00. Alix salue ses amis d'un signe de main et prend la direction de la rue Gambetta pour rejoindre son appartement. Alix distingue sur la route un objet étrange qui  vient de bouger sur le toit d'une maison. Il s'approche, remarque que l'objet ressemble à la nouvelle lampe installée dans le parc privé de sa résidence.

 

« Oula, j'ai trop forcé sur l'alcool moi ! Cette lampe n'a pas bougé et d'ailleurs il ferait bien de changer l'ampoule qui doit être morte, on y voit rien ici ! ». Alix a la désagréable sensation d'être suivi et même observé. Il accélère.

 

Enfin rentré, il fume une dernière cigarette avant d'aller se coucher. Il observe la nouvelle lampe avec attention. « Tiens ! Elle n'est pas allumée… j'ai même l'impression qu'elle n'est pas positionnée au même endroit. Il faut vraiment que j'aille dormir je suis claqué ! ».

 

Au petit matin Alix se réveille en sursaut.

 

-          « Dexter ! Il est 6h00 laisse moi dormir ! »

 

Mais le chat miaule et se frotte sur le visage d'Alix.

 

-          « Ça va j'ai compris !... Je vais te donner à manger. »

 

Alix se dirige vers la gamelle de Dexter et lui sert ses croquettes. En se relevant, Alix remarque par la fenêtre que la lampe est encore plus proche que la veille. « Je n'y comprends rien, je deviens fou ou cette chose n'est pas une lampe ! Enfin maintenant que je suis réveillé, je vais aller bosser. »

 

Sur le chemin de la fac Alix observe la rue à la recherche de ces fameuses lampes mais n'en aperçoit aucune. Il retourne travailler dans la BU de sa faculté. Après quelques heures de travail la première année de droit qu'il avait bousculée la veille l'aborde.

 

-          « Salut Alix ! »

 

-          « Salut tu connais mon nom ?

 

-          « Oui c'est marqué sur ta session d'ordinateur là.  »

 

-          « ah… exact.. »

 

-          « Apparemment tu es en sixième année ? Je peux te demander de m'aider ? Je suis totalement bloquée sur cette étude d'arrêt… »

 

-          « …Euh… Oui, pas de problème qu'est ce que tu ne comprends pas ? »

 

Alix et la première année décortiquent l'arrêt. Au fil des heures, Alix se sent en confiance avec cette nouvelle connaissance et ce malgré sa misanthropie.

La journée terminée, Alix rentre chez lui. Sur la route cette sensation désagréable de se sentir observé resurgit. Mais rien derrière lui. « Je deviens vraiment fou… ». Il rentre dans sa résidence passe les deux portes de sécurité, monte l'escalier.  « Tiens c'est bizarre j'ai mal claqué la porte. Elle est restée ouverte… Pourtant… Je ne suis pas fou je l'ai fermé ! ». Il pousse la porte délicatement sans un bruit en retenant sa respiration….

 

Tout est à sa place. Rien n'a changé. Personne dans la cuisine, personne dans la salle de bains. « Il faut vraiment que je fasse attention Dexter aurait pu s'échapper ! ». Mais le chat était comme à son habitude en pleine sieste sur le canapé. Alix ferme la porte et part prendre une douche.

 

La vapeur d'eau recouvre les parois de la douche. Un étrange bruit interpelle Alix. Un bruit inhabituel. « C'est quoi ce truc ?! ». Il distingue une forme noire à travers la paroi. Une forme volante.

 

Alix ouvre violemment les battants de la douche. Mais la forme noire s'est volatilisée. Il court dans le salon. Toujours rien. Il regarde à travers la fenêtre et là, face à lui, deux petites formes noires l'observent et le fixent par la fenêtre.

 

Apeuré, Alix referme les rideaux ! Il appelle Thibault mais pas de tonalité. La ligne est coupée. La lumière s'éteint, Dexter n'est plus là. Alix se retrouve dans une vraie scène de film d'horreur.

 

« Merde mais qu'est ce qui ce passe ?! » Il enfile son jean et son sweat à toute vitesse et court dans le couloir de la résidence. Il dévale les escaliers et se réfugie dans le SAS d'entrée de l'immeuble.

 

Il reprend son souffle et se pose calmement dans le Sas. Au bout de quelques minutes il décide de retourner dans l'appartement. « Calme-toi ! Calme-toi ! »

 

L a porte est restée entre ouverte… Délicatement, il cherche l'interrupteur et la lumière éclaire la pièce aussitôt. Tout est en place et Dexter est sur le canapé. Alix n'y comprend rien, il regarde discrètement par la fenêtre mais rien. Pas de forme noire volante. « Je suis fou ! ».

 

Il n'arrive pas à dormir. Ces objets volants étaient bien là il en est sûr ! Plein d'interrogations, il prend son Pc portable et se lance dans une recherche « appareil volant de petite taille ».

 

Grâce à la description sur Google il trouve comme mot clé « drone ».

 

« Mais merde, qui chercherait à me surveiller  avec ce genre de caméra ? ». Durant toute la nuit Alix cherche une explication à la présence de drones dans sa vie. La nouvelle lampe étrange ce serait donc un drone. Dans la rue Gambetta l'autre nuit c'était aussi un drone. Il parcourt les différentes images de drones sur internet. Les drones qui le suivaient apparaissent en image.

 

Les drones en questions étaient une création de la société française Parrot S.A : « L'AR. Drone est un hélicoptère quadrirotor qui peut se piloter avec un appareil sous iOS, Android ou Symbian  via une liaison Wifi. Il est principalement dédié au divertissement mais dispose d'équipements sophistiqués tels qu'une caméra frontale pour le pilotage, une seconde verticale pour la stabilisation, un accéléromètre trois axes, deux gyroscopes, deux émetteurs récepteurs à ultrasons permettant de calculer l'altitude, de nombreux capteurs ainsi qu'un ordinateur embarqué fonctionnant sur noyau Linux. »

 

 « Pourquoi ? » Alix réfléchit à la situation. « Il faut que je l'attrape, je trouverai forcement  son propriétaire. C'est bizarre. Il me semble qu'un élément sur le drone n'est pas détaillé dans la description.  »

 

Alix tente de rester éveillé mais il s'endort.

 

Le lendemain le téléphone sonne mais Alix ne répond pas. Thibaut ne s'inquiète pas plus que cela et part en cours.

 

En fin de journée toujours pas de réponse de son ami. Thibault perplexe, se rend à l'appartement d'Alix et sonne. Pas de réponse. Par chance,  une résidente ouvre les portes et le laisse passer sans vraiment y prêter attention. Vite, il court vers la deuxième porte avant qu'elle ne se referme.

 

Il accède au premier étage longe le couloir et tape à la porte d'Alix. La porte est entre-ouverte. Thibault entre dans l'appartement en appelant son ami.

 

Oui Alix est bien là. Mais il est mort, étendu sur le sol.

 

Quelques kilomètres plus loin à l'université Lille 2, une jeune femme reçoit un appel téléphonique:

« Mission terminée. ».

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