Toxique

belthane

Une femme superbe mais toxique. Le point de vue d'un témoin sur un sujet bien peu abordé.

Comment ne pas la manquer elle est superbe comme toujours. Superbe mais toxique. Le bar est bondé mais tous les hommes l'observent déjà. Je retiens le bras de mon ami, qui veut lui offrir un verre. « Non John, pas elle.

- Pourquoi c'est une de tes ex ?

- Non heureusement.

- Mais tu la connais ?

- Pas plus que ça…

- Alors je n'ai pas besoin d'être materné.

- Laisse-moi te raconter John, ensuite tu feras ce que tu veux.

- Quoi c'est une sérial killeuse cette nana. Arrête de me mener en bateau. Tu ne la connais pas et tu veux te la garder pour toi.

- Pour rien au monde ! Ecoute ce que j'ai à te dire.

- Vas y je suis tout ouïes. »

Je prends mon verre, je bois une longue rasade de bière et avec un ton sérieux je commence mon récit. John est plus amusé qu'autre chose, il observe la fille par dessus mon épaule.

« C'était il y a quatre ans quand j'ai emménagé dans mon studio.

- Ouais quand Pauline t'as jeté.

- Merci de me le rappeler. Il y a quatre ans donc. J'ai bougé dans ce petit studio. Il y avait un couple qui vivait dans l'appartement du dessus. Il m'a bien fallu trois mois avant que je ne les croise dans l'entrée, que je puisse mettre un visage sur ceux que j'entendais régulièrement. Les bruits de pas. Les meubles tirés. Tu sais ce que c'est. Rapidement j'ai entendu les engueulades. Le mec était hystérique. Elle aussi. Il n'était pas rare que je retrouve des assiettes, des aliments, des détritus sur ma petite terrasse du rez. Ça venait d'eux. Ils passaient leur temps à se chamailler et à se réconcilier. Au point que quand ils hurlaient je ne savais jamais s'ils baisaient ou se tapaient. Si ça a pu m'amuser au début, je me suis vite lassé de ces histoires et de ces crises régulières. Lui hurlait, l'insultait. Elle répondait parfois. Puis c'était un bruit de vaisselle brisée et une série de coups secs, ponctués d'insultes du genre « salope ! » « pute ! » et j'en passe. J'avais pitié de cette femme. Je détestais ce mec. J'ai appelé les flics à plusieurs reprises.  Ils sont intervenus. Le mec a été obligé de dégager. Je crois qu'ils lui on fait sa fête car quand ils l'on emmené il avait la gueule en sang. J'observais la scène par le judas. Terrifié qu'ils puisse se passer des choses pareilles juste au-dessus de ma tête.

Quand je l'ai vu la première fois elle était éteinte fanée. Le teint livide, une lèvre gonflée déformais son sourire et un œil au beurre noir rappelait la violence des coups. J'ai eu pitié d'elle. Je me suis dit qu'elle était enfin débarrassée de ce connard violent. Comme je me trompais.

Il est revenu plus d'une fois au milieu de la nuit pour l'insulter. Et plus d'une fois elle lui a ouvert. Et c'était reparti pour un tour. Le bruit les hurlements, les coups, les flics. C'est tout ce que j'osais faire. Les autres voisins savaient, mais se contentaient de ne rien dire. Dans un quartier un peu sélect on ne veut pas voir ou entendre les problèmes. C'est bien plus simple de se plaindre de l'odeur du local à poubelle ou des traces de doigts sur les vitres de la porte d'entrée de l'immeuble.

Une nuit le mec a même gravé le mot « salope » sur sa porte. Puis il a disparu. Je crois qu'il a fini en taule.

- Tant mieux pour lui. C'est vraiment des enculés ces mecs qui s'en prennent aux femmes.

- Tu dis des évidences. Lui sous les verrous elle a commencé a ressortir. A prendre soins d'elle. Quand je la croisais le matin elle était de plus en plus épanouie, joyeuse, chaleureuse. Malgré ma pitié pour elle, je n'ai jamais été au-delà des politesses d'usage. Il y avait un je ne sais rien de séduisant en elle, certes mais aussi autre chose.

Puis d'autres mecs sont apparus. Des coups d'un soir, des flirts. Au fond je ne juge pas je fais un peu pareil.

- Dans tes rêve oui !

- John je ne te raconte pas toujours tout.

- Ouais mais si Pauline t'ouvrais les bras tu accourrais comme un petit chiot perdu.

- Tu m'en veux ce soir toi !

- Je suis lucide c'est tout. Continue avec ta femme battue.

- Je te disais qu'elle a eu une période où elle voyait beaucoup d'hommes. Puis un est apparu régulièrement. Ça semblait sérieux. Après quelques mois il s'est installé chez elle. Et rapidement le même cirque a recommencé. Jalousie, cris, vaisselle cassée, détritus par la fenêtre, insultes. J'ai simplement appelé les flics à nouveau. Cette nana choisissait toujours de connards violents. Le type est parti. Un bras en écharpe. Elle, elle avait le poignet cassé. Elle était en ruine encore une fois.

Le temps a passé et elle s'est rétablie. La métamorphose de cette femme, sa capacité à rebondir est phénoménale crois-moi. Elle a même commencé à me draguer quand elle a remarqué que je voyais quelqu'un régulièrement.

- Tu voyais qui ?

- A l'époque je sortais avec Lara. Mais si tu te souviens d'elle. On est sorti ensemble quelques mois.

- Ah oui Lara. Juste. Je l'avais oublié celle-là. Pourquoi elle est partie elle ?

- Je crois qu'elle s'est lassée.

- Dis plutôt que tu étais toujours accroc à Pauline et que ça l'a gonflée.

- Bon tu me lâches avec Pauline.

- Ok ! Ok ! Rhoolala ! Sujet sensible à ce que je vois !

-Est-ce que je te parle de Sandrine moi ? »

Je termine ma bière d'un coup et j'en commande une nouvelle. La femme est en train de flirter avec un homme d'âge mur. Elle lui lance des regards par en dessous. Il est conquis. John lui regarde son verre d'un air pensif. Je n'aurai peut-être pas dû lui parler de son ex-femme.

« Et alors tu disais qu'elle te draguais ?

- Oui mais ça n'a pas duré. J'ai gardé mes distances et Lara a joué les femmes territoriales.

- Ensuite il s'est passé quoi ?

- La même rengaine. Il y a eu des flirts puis un autre type. Charmant lui. Doux attentionné. Pas le genre à avoir un comportement violent. Leur histoire semblait idyllique. Il s'est installé. Tout a été pour le mieux pendant de nombreux mois. Puis une nuit ça a de nouveau explosé. Des cris des hurlements, la vitre de leur porte-fenêtre a explosé. J'ai vu un fauteuil voler. Je n'ai pas eu besoin d'appeler les flics. Quelqu'un d'autre l'avait déjà fait. Je pensais qu'il allait la tuer. J'ai vraiment eu la trouille.

Quelqu'un frappait à ma fenêtre. J'ai tiré les rideaux et c'était le type du premier. Il était nu, terrorisé et en sang. Il avait sauté du balcon. Elle est descendue, elle a commencé à frapper sur ma porte en l'insultant. Elle tenait un couteau à la main.

- Oh putain. Pour se défendre.

- Non c'est elle qui frappait ses hommes.

- Sérieux ?

- Sérieux. Je ne l'aurai jamais cru si je n'avais pas vu la détresse et la peur dans le regard du pauvre type arrivé chez moi. Je ne l'aurai jamais cru si je n'avais pas vu au travers du judas le visage déformé par la haine de cette femme.

Les flics sont arrivés. Elle a fait sa victime. Ils ont embarqué le mec, blessé.

- Et ?

- Et quoi ?

- C'est tout ?

- Oui. Si ce n'est que j'ai déménagé pour ne pas avoir cette cinglée au-dessus de chez moi. Maintenant si tu veux lui payer un verre, tu peux. Mais tu es prévenu. Elle est belle, mais toxique.

- Je croyais que tu avais déménagé parce que le loyer était trop cher.

- C'est la raison que je donne oui. »

Je commande une nouvelle bière sans prêter attention au petit signe de connivence que me fait la femme. 

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