Trente ans.

odeanox

(Ta vie sauvée enfin.)

Je ne suis pas responsable.

C'est la psychanalyse qui dit ça. Ou la psychiatrie, je ne sais plus très bien de quelle discipline je relève, à force.

Mes sautes d'humeur, c'est pas ma faute.

Ma dépendance affective, énième schéma familial.

Ma vie ratée, deux temps, la faute à ma mère, même pas, la faute à la mère de la mère de ma mère, même pas, la faute à l'histoire familiale, simplement.

Comme si tous les non-dits des deux siècles précédents avaient enfin choisi de se réveiller sous moi pour me faire porter le chapeau de je ne sais quoi.


Je suis perdue.

Pour la première fois depuis trente ans, lors d'épisodes foireux, je n'ai plus envie de mourir. Non, je suis juste triste, vraiment très triste. Et paumée, tellement.

Mes amies ont le choix : subir soit mes sautes d'humeur soit ma dépendance. Il n'y avait que ça au menu aujourd'hui, désolée. Alors forcément, il n'y en a pas des masses qui, après, veulent payer l'addition.

Depuis que je me suis rendu compte de ça, je me fais toute petite. Je ne veux plus choisir de m'imposer à personne. J'ai peur de faire du mal et aussi de me faire du mal. Certaines restent, certes. Mais celles-là ne sont pas de celles qui vivent H24, ou presque, avec moi. Quand je suis là au quotidien, c'en est insupportable.

Elles m'aiment, pourtant. Mais vu ce que je leur apporte elles préfèrent finir par partir. Le plat avait l'air gourmand mais en réalité il est avarié.


Je ne suis pas responsable, certes.

Mais c'est les gens que j'aime qui subissent, et moi-même, par la même occasion. Et c'est comme ça depuis trente ans.

Why, bordel, why.

Je suis pas responsable mais on va dire quand même un peu. Et comment font ces autres à qui tout réussit, disait la chanson, la question je me la pose en mode boucle d'or professionnelle, tout le temps.

Je suis fatiguée.

Je voudrais que ça change.

J'en ai marre de déguster toujours la même chose. Mais je ne sais pas comment faire.


Cacher ses émotions.

Lisser la drogue dure pour ne plus qu'elle se voie.

Affecter des sourires et l'écoute même quand au fond du trou.

Maintenant je rêve de ça.


Ne plus faire de mal à personne, jamais, ou du moins vous les êtres qui m'aimez.

Si vous saviez, oh si vous saviez, je suis tellement, tellement désolée, j'aurais tellement voulu que tout se passe autrement.

Mais pour ça il aurait fallu : Maman tu voulais pas m'avorter, ou Maman le psy de mes huit ans, pourquoi tu m'as jamais emmenée.

Mais bon, maintenant je suis là. Va falloir faire avec, et continuer. La vie, c'est hard. Mais bon, ç'aurait pu être pire : finir en HP, blindée de médocs, ou même pire, suicidée.

Alors on se retrousse les manches.

Et malgré le sang qui rappelle et les larmes qui étouffent, continuer chaque jour.

Et un jour, je sais pas quand mais un jour, terminer d'écrire l'histoire, finir par y arriver.

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