Trésors cachés

Avec ses cheveux longs tombant sur ses reins, elle ressemblait à une sirène lascive pourtant en elle rien n'était sensuel, elle avait le tempérament plutôt dansant qui saute dans les flaques quand le ciel a pleuré. Elle a pour amis tous les... comment dire, les bras cassés de la terre, elle les accueille avec sa lyre bienveillante au coin de la rue, c'est comme ça qu'elle voudrait vivre sa vie, elle a pour amie, la statue immobile de la place, toujours placide, toujours fidèle, il ne lui manque plus que la parole. De quatre heures à sept heures du matin elle aspire la poussière de moquettes grises, regarde en passant toujours les mêmes photos emprisonnées dans des cadres tristes, anonymes, comme elle voudrait mettre un peu de couleurs dans ces couloirs froids et déserts où le gris et le noir sont à l'honneur. Elle n'aimait pas aller se coucher après son travail, elle allait boire plusieurs cafés et un bébé rose au café de La tribune, c'est là que je la croisais quand j'avais la boule au ventre avant d'aller travailler. J'ai longtemps regardé sa lyre posée sur le creux de son bras, je devais avoir l'ombre d'un sourire tandis qu'elle me souriait franchement malgré ses cernes bleues. Elle semblait venir d'Irlande avec ses long cheveux comme de la mousse, son visage perlé de taches de rousseur.

Pendant plusieurs jours je ne l'ai plus croisée, à midi je ne la voyais plus jouer de la lyre, je me disais qu'elle avait rencontré un beau prince et ça me rassurait. Je l'ai vue un jour dans une autre rue, seule, elle semblait ailleurs mais elle avait bonne mine, elle jouait de la lyre, un air que je reconnaissais, j'avais envie d'aller lui dire, de devenir son amie. Je ne joue d'aucun instrument mais j'aime la musique. ça me rappelle un professeur de musique qui disait que la voix était aussi un instrument, il avait les cheveux roux comme ma joueuse de lyre et l'air ailleurs lui aussi quand il entrait dans la classe. Je ne me souviens plus de sa voix, mais ce qu'il avait dit m'a frappée à vie car j'ai découvert que tout le monde pouvait avoir des trésors cachés qui ne demandaient qu'à être révélés.