Trois p'tits chapeaux de paillasson
eleveaufromagedechevrecom
SYNOPSIS
Un immeuble, Les Citronniers, dans une petite ville de Province.
Au troisième étage vit Amélie Lassin, 32 ans, bibliothécaire. Elle est d’apparence commune, ne sait pas se mettre en valeur, paraît mal dans sa peau, manquant cruellement d’assurance, maladroite, naïve, pleine de rêves, très fleur bleue. Elle est restée une enfant croyant aux contes de fée et attendant son prince charmant. Un projet l’obsède (horloge biologique oblige) : s’installer en couple et avoir des enfants.
On l’aura deviné, elle est célibataire, du moins officiellement. Elle a un petit frère, 28 ans, qui est marié et va devenir père. Elle voit régulièrement une bonne amie, Patricia, sophistiquée et ayant tendance, comme beaucoup de gens, à abuser de la gentillesse d’Amélie. Le « flirt occasionnel » d’Amélie est une ancienne connaissance de lycée, Steven. Leur histoire n’a rien de sérieux. Elle ne s’opposerait pas à un engagement avec lui, mais, pour lui, il n’en est pas question. Il avait été la star du lycée, et même si 15 ans ont passé depuis, le fréquenter aujourd’hui, est pour Amélie, l’accomplissement d’un fantasme. Il s’avère que l’adolescent convoité est tout simplement devenu un adulte grotesque, mais cela Amélie ne le voit pas.
Au deuxième étage de l’immeuble des Citronniers, vit John Lasnin, 35 ans. Il est du genre sûr de lui, beau, classe, d’apparence bien dans sa peau, borderline tout en l’assumant, dédaigneux. Il a grandi trop vite et n’a confiance en personne, hormis peut-être Benoît, son ami de toujours. John est commercial, actuellement dans la vente de photocopieuses et d’autre part, il se « débrouille » avec Benoît pour arrondir largement ses fins de mois, par des ventes plus ou moins légales. John est l’élément moteur du duo, Benoît est de nature paresseuse. Non content d’uniquement squatter régulièrement et nonchalamment le canapé à son ami, Benoît saute aussi sur ses nombreuses conquêtes à peine sorties du lit de John ce qui met régulièrement ce dernier en colère.
John est en cours de divorce avec Camélia. Ensemble, ils ont eu une fille Chloé qui a aujourd’hui 3 ans. Autant John ne supporte aucun être humain - hormis Benoît qu’il tolère - autant Chloé représente à ses yeux la perfection. Dès sa naissance, elle a donné un sens à sa vie et symbolise la pureté même, gare à celui qui toucherait le moindre de ses cheveux.
Amélie et John vont se rencontrer, régulièrement autour du fil conducteur de leurs boîtes aux lettres où les courriers se mélangent et de trois petits chats qui sèment la pagaille. D’où les paroles de la chanson « trois petits chats, chapeau de paille, paillasson, somnambule… » qui forment la trame de cette comédie et son titre.
A priori, tout oppose les deux voisins : leurs apparences, leurs visions de la vie… Amélie au contact de John est encore plus timide et maladroite qu’à son habitude, gênée par son charme. Elle voudrait sauver la face, mais, ne fait que cumuler les situations comiques. Lui la trouve ridicule au plus haut point et la méprise. Du haut de sa naïveté, Amélie ne remarque pas tout de suite son dédain, pourtant prononcé, à son égard. Elle finit par s’en rendre compte et essaie de lui rendre la monnaie de sa pièce, elle se ridiculisera alors davantage. Son adoption, pour mal d’enfants, de trois chatons source de conflits de voisinages, son aventure avec un Steven grotesque qu’elle brandit tel un étendard et le désintérêt que lui porte la majorité de son entourage n’arrangent rien au décalage déjà établi entre les deux voisins.
Cette rencontre avec son voisin qui prend la tournure d’une bataille inégale à l’égard d’Amélie pousse cette dernière à s’affirmer davantage ; en feront les frais son copain Steven et son amie Patricia. Puis, un événement va perturber leurs postures originelles respectives. John est obligé de demander un service à Amélie ; il s’avèrera plus tard qu’il s’agissait d’un coup monté de son ami Benoît. John se retrouve coincé chez Amélie quelques instants, où se déroule un fait étrange. Une attitude anodine d’Amélie trouble complètement John. Pourquoi, il ne le comprendra pas tout de suite, mais toujours est-il qu’il porte à présent un tout autre regard sur Amélie. Il la trouve intéressante, même drôle. Il doit s’avouer avoir passé un bon moment avec elle, fait particulièrement étonnant car il n’a jamais pris de plaisir à discuter avec aucune femme, même avec celle de qui il est entrain de divorcer. John réalise qu’il a le béguin pour Amélie, ce qui s’accompagnera de moqueries sans fin de la part de Benoît. Cette attirance le rend vulnérable, il perd le mode d’emploi de son dédain à toute épreuve.
Après avoir retourné le problème dans tous les sens, John n’y voit qu’une issue, aller jusqu’au bout de ce qu’il ressent, pour s’en débarrasser pense-t-il. Il préjuge que la conquête visée sera facile, mais se trompe largement. Des complications se mettent sur son chemin, un Steven qui revient à la charge (il n’aurait jamais pensé être en concurrence avec un tel type), une Amélie hésitante, manquant de spontanéité. Toutes ces péripéties ne font qu’accentuer l’intérêt de John pour Amélie.
Quand enfin arrive, ce qui devait arriver, le baiser visé par John depuis deux mois et fantasmé par Amélie depuis six mois, il y est mis fin prématurément par un passage imprévu en garde à vue. Les rebondissements sont repartis de plus belle, Camélia, l’ex-femme de John, trouve son mot à dire aussi, elle s’avère être une ancienne connaissance d’Amélie ; puis surtout, les différences fondamentales de vision des choses de John et Amélie s’entrechoquent. Chacun des deux a un travail personnel à effectuer.
C’est finalement, la fille de John, Chloé qui permettra la finalisation et la concrétisation de leur amour qui s’avère mutuel, grâce à son intérêt pour les petits chats et un mot qu’elle glissera dans les boîtes aux lettres…
DEBUT :
« Allo ?
- C’est Patricia, dis-moi, t’es dispo demain matin ?
- Heu, j’ai rien de prévu…
- Bon, parfait on se retrouve devant la piscine Tournesol à 10h, tu sais pour le cours d’aquagym dont je te parlais, j’ai vraiment pas le goût d’y aller seule.
- …
Amélie cherche comment elle pourrait s’en défaire, elle avait plutôt prévu de faire la grasse matinée.
-Pense à prendre un bonnet de bain, c’est obligatoire maintenant
-Ah mince, j’en ai pas, répond Amélie soulagée d’avoir trouvé la parade.
-Ils en vendent sur place, ou sinon, attends, je me demande si j’ai pas celui de ma grand-mère, celui qu’elle avait acheté une fortune pour qu’il soit assorti à son maillot de bain, mais qu’elle m’a donné car il lui filait des pellicules ?
-Je vais me débrouiller, inutile de le chercher j’te remercie
-Non mais, tu sais les pellicules c’est parce qu’elle avait un terrain sensible
-On peut changer de sujet ?
-Oui, bon, de toute façon faut que je te laisse, à demain !
Amélie n’a pas le temps de répondre qu’elle entend déjà la tonalité.
Merde, merde et merde, Amélie n’a aucune envie d’aller barboter demain. S’il y a bien un truc dont elle a horreur, c’est la piscine par un froid de canard, comme en ce moment. Elle ne sait pas dire non, et en même temps elle se dit qu’une fois qu’elle y sera, ça lui plaira peut-être ? Quoi que, des flexions - extensions dans l’eau sur commandement d’une Davina ou d’une Véronique sur le retour, elle n’en est pas franchement convaincue…
Elle se jette sur son canapé bien décidée à ne pas se laisser gâcher sa soirée pour autant. Elle attendait avec impatience la suite de sa série de prédilection.
Elle prépare ce moment en veillant à ne rien oublier pour ne surtout pas avoir à se relever de son BZ. De son feuilleton, elle ne louperait pas un seul dialogue considérant que chaque parole prononcé participe à la compréhension du dénouement. Ainsi, elle prépare son paquet de gâteaux aux pépites de chocolat accompagné de sa pomme grany, pour la bonne conscience. Elle décide de se faire chauffer de l’eau pour une tisane, ces gâteaux risquent de lui donner soif.
- Gâteaux ok, boisson ok, petit plaid ok, paquet de mouchoirs ok, pipi fait !
Ravie, elle allume la télévision, et jette son arrière-train sur son canapé. Mince, ça c’étaient les petits gâteaux ! Elle mange le gros des miettes écrasées et décide de remettre à plus tard un nettoyage plus minutieux car sa série démarre. Elle apprécie le générique d’un sourire : décidément, cet acteur est vraiment beau ! Elle pose ses pieds sur sa table basse qu’elle avait pris soin de placer à bonne distance. Elle est absorbée par les gestes de son chirurgien préféré. Va-t-il réussir à sauver cette pauvre femme qui dans l’épisode précédent a failli perdre l’enfant, dont elle était enceinte, dans un terrible accident de voitures. Heureusement, l’équipe médicale a réussi à sauver le fœtus de 4 mois en l’extrayant du ventre et le mettant en couveuse, exploit jamais réussi auparavant. Mais, les jours de sa mère sont comptés. Amélie a les yeux humides en entendant les cris du nourrisson réclamant sa mère qui est au bloc. La caméra fait un gros plan sur la cuisse gravement endommagée de cette dernière, sur ordre du beau chirurgien, l’infirmière rase la jambe de la patiente. Raser la jambe…, cette action fait réaliser le pire à Amélie, elle va à la piscine demain et elle n’est même pas épilée !
C’est en insultant de tous les noms Patricia, à qui elle n’en formulerait jamais aucun, qu’elle programme son magnétoscope. Dire qu’elle avait failli se débarrasser de cet appareil la semaine dernière, trouvant qu’il était dépassé par le lecteur DVD. Une chance qu’elle ait changé d’avis. Elle traîne le pas vers sa salle de bain.
Amélie est énervée comme à chacune de ses séances d’épilation, que c’est pénible de se plier en quatre pour essayer de repérer, puis d’arracher la globalité des poils, la cheville, l’arrière du genou, la cuisse… Aïe !
Elle augmente le son de sa radio pour couvrir le bruit de l’épilateur. Le maillot, elle pourrait faire l’impasse si elle met sa tenue de bain shorty, puis c’est vraiment trop douloureux à cet endroit, sans compter qu’elle a pris un peu de ventre, cette opération l’obligerait à une souplesse à laquelle elle ne se sent pas à la hauteur aujourd’hui. Il fait affreusement chaud tout d’un coup, elle coupe le radiateur.
Ah mince, elle allait oublier l’autre jambe. Amélie sent les gouttes perler sur son front, et glisser dangereusement vers ses yeux. Elle lance rapidement et habillement sa main gauche juste à temps, avant que la sueur ne fonde dans son œil, évitant de justesse le picotement désagréable. Elle ne sait pas pourquoi, cela lui amène beaucoup de fierté, ça doit être la musique. Elle a toujours sa main sur son front et se déhanche sur le rythme de la musique, elle s’observe dans le miroir et trouve son dandinement joli. Elle l’accentue de plus belle, ravie de sentir le « rythme dans la peau », sensation qui l’avait quittée depuis des années. Elle se met à chanter à tue-tête. Ce morceau de musique est véritablement entraînant ! Elle ajoute à sa chorégraphie des mouvements de coudes, mauvaise initiative, son épilateur se prend dans ses cheveux. Il semble avaler sa chevelure et foncer tout droit vers son crâne dans une souffrance effroyable. Amélie hurle. Elle essaie de le retirer, en vain, davantage de cheveux se prennent dans l’appareil, impossible d’atteindre le bouton d’arrêt. Elle se recule dans le but de le débrancher, mais trébuche sur le tabouret et se retrouve parterre.
Par miracle, l’épilateur s’est débranché. Elle reste un moment interloquée ; l’engin de torture pend sur le côté droit de son crâne.
Elle se relève, tente de le dégager, rien à faire, une touffe énorme de cheveux le retient. Elle éteint la radio en espérant que le silence l’aidera à s’en défaire. Le téléphone est entrain de sonner… Elle court décrocher, avec un peu de chance c’est Patricia qui annule.
« Allo aïe !
Elle vient de cogner le combiné téléphonique contre l’épilateur, qui lui-même a cogné sa tête.
- Amélie, c’est moi Fredo, ça y est, JE SUIS PAPA !!
- Oh ben…
Amélie est sonnée sans savoir si c’est dû à la nouvelle ou au coup d’épilateur.
- Allez, viens vite voir ton neveu, on est en chambre 323, dépêche, les visites s’arrêtent dans trois quarts d’heure. Oh, il se réveille, oh mon dieu, qu’il est beau… ».
Tonalité.
Décidément, ça devient une habitude pour les gens de lui raccrocher au nez !
Il faut une bonne vingtaine de minutes pour arriver à la clinique, elle a intérêt à partir tout de suite. Elle est heureuse pour son frère, oui, si, enfin, un peu jalouse mais très heureuse pour lui. Ou plutôt, très jalouse mais un peu heureuse aussi.
Elle va aller voir un bébé, elle va aller voir un bébé, un bébé, un bébé… Faudra qu’elle prenne sur elle pour ne pas le kidnapper…
Elle fonce s’habiller, c’est là que la masse accrochée à ses cheveux la rappelle à son bon souvenir. Merde, c’est vrai, bon tant pis, plus le temps de trouver une solution douce, elle prend une paire ciseaux et coupe l’énorme mèche qui la lie à l’épilateur. Plus de 10 centimètres de cheveux manquent à présent sur son côté droit. Coup d’œil dans le miroir, ses cheveux sont crépus en plus, c’est affreux. Elle tente inutilement de les démêler, pour décider de se rabattre sur un bonnet. Elle passe en quatrième vitesse son collant qu’elle manque de filer, sa jupe, son manteau, claque sa porte, dévale un étage, arrive au deuxième, s’arrête net. Elle remonte un étage, ouvre sa porte, attrape son sac à main oublié, referme sa porte, dévale les trois étages cette fois-ci et attrape de justesse le bus en bas de son immeuble.
Assise dans le bus, elle a une boule au ventre. Qu’est-ce qu’il peut l’énerver son frère, petit frère en plus, il est de 3 ans son cadet. Tout lui sourit à ce petit con, depuis toujours. Il n’a jamais rien projeté, n’a jamais mené à terme aucune étude entreprise, mais tout roule pour lui comme sur des roulettes. Il a un boulot en or, une femme en…, une femme, et un enfant depuis quelques heures. Elle, elle passe son temps à tout prévoir, mais rien ne fonctionne. Par exemple, elle savait depuis toujours vouloir être bibliothécaire, elle avait assuré pour être prise en IUT, avait décroché son DUT haut la main, et pourtant elle a bataillé pour décrocher son job, sa titularisation et son plein temps pour un salaire trois fois inférieur à celui de son petit frère… Puis, son frère, lui, s’est marié il y a neuf mois, et sa femme en plus est tombée enceinte directement, durant le voyage de noces. Le veinard, à 28 ans à peine !
Elle relève la tête, mais qu’ont tous ces passagers à la dévisager ainsi ? A-t-elle réfléchi à voix haute comme ça lui arrive parfois sans s’en rendre compte ? L’arrêt de la clinique est le prochain, elle referme déjà son manteau pour ne pas perdre de temps et remet son bonnet. Elle réalise, alors, pourquoi les regards des autres voyageurs s’attardaient bizarrement sur elle. Perdue dans les réflexions, elle avait oublié sa coupe, quelle honte… Elle se note et se répète plusieurs fois pour tâcher de s’en souvenir : « ne plus enlever mon bonnet », « ne plus enlever mon bonnet », « ne plus enlever mon bonnet ».
Elle fait un sourire gêné aux passagers en s’avançant vers la sortie du bus.